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James Mangold : Un homme en or




Issu du département cinéma de l’université new-yorkaise de Columbia, James Mangold illustre à lui seul la capacité de certains réalisateurs américains à concilier leur amour du septième art dans ce qu’il a de plus noble avec les exigences du système hollywoodien. Né en décembre 1963, il apprend son métier sous la houlette du cinéaste d’origine écossaise Alexander Mackendrick (le grand chantage, 1957), devenu enseignant faute de réussir à se plier aux lois des Majors, lui qui avait été l’un des réalisateurs de prédilection des studios Ealing. Crédité parmi la quinzaine de coscénaristes du film d’animation de George Scribner Oliver et compagnie (1988) inspiré du roman de Charles Dickens “Oliver Twist”, Mangold se fait remarquer quant à lui dès son premier long métrage, Heavy, présenté à la Quinzaine des réalisateurs en 1995. Il s’impose toutefois aux studios avec Copland (1997), qui associe Sylvester Stallone à plusieurs interprètes de prédilection de Martin Scorsese, puis Une vie volée (1999) qui vaut l’Oscar et le Golden Globe de la meilleure actrice dans un second rôle à Angelina Jolie. Mangold (qui est littéralement “un homme en or”) se plie alors aux lois du système en pratiquant le mélange des genres à travers des films comme Kate et Léopold (2001), Identity (2003) et surtout Walk the Line (2005), biopic du chanteur Johnny Cash qui vaut l’Oscar de la meilleure actrice à Reese Witherspoon. Il enchaîne alors avec le remake du western de Delmer Daves 3h10 pour Yuma (2007), puis dirige Tom Cruise dans Night and Day (2010) et Hugh Jackman dans les films Marvel Wolverine : Le combat de l’immortel (2013) et Logan (2017). Nouveau coup d’éclat avec Le Mans 66 (2019) auquel succède aujourd’hui le cinquième volet de la saga mythique de Steven Spielberg et George Lucas, Indiana Jones et le cadran de la destinée présenté hors compétition au dernier Festival de Cannes. Brève rencontre avec un géant de l’ombre…





Quelle conception vous faites-vous de votre métier de réalisateur ?

James Mangold Je me considère avant tout comme un auteur et un réalisateur.


Quel est le stade de la réalisation qui vous tient le plus à cœur ?

J. M. Je me réjouis et je me plains à chaque étape ! Le tournage d'un film, en particulier d’un film de l’envergure d’Indiana Jones et le cadran de la destinée, est une tâche gigantesque. Chaque jour, vous êtes épuisé, stressé, dévasté, exalté, les nerfs à vif, puis vous vous préparez pour le jour suivant. C’est un marathon éprouvant, mais aussi une aventure intense. Le montage, l’enregistrement et le mixage peuvent être très amusants et, bien qu’ils soient aussi ponctués de hauts et de bas, je peux dormir dans mon propre lit. Je rêve du montage, du mixage et de l’enregistrement de la musique dès le scénario. Il y a aussi d’autres phases merveilleuses dont on parle moins. L’écriture est une période glorieuse au cours de laquelle le film voit le jour. Et la préparation est le moment où toutes les décisions logistiques, de conception et de casting sont prises, et où votre destin créatif prend véritablement forme. Un vieil ami, le producteur Michael Hausman [célèbre pour ses collaborations suivies avec Milos Forman et Ang Lee], avait pour habitude de mettre en évidence sur son bureau une pancarte qui disait : « Toutes les erreurs sont commises au stade de la préparation. » C‘est une constatation tout à fait pertinente.


Vous sentez-vous des affinités particulières avec d’autres cinéastes ?

J. M. Je ne suis pas sûr d’être assez objectif pour répondre à une telle question. Les journalistes qui m’interviewent me posent souvent des questions sur la multiplicité des genres que j’ai abordés, car cela semble les intriguer. Je suppose qu’ils considèrent que cela me différencie de certains de mes contemporains qui se sont davantage concentrés sur un genre spécifique. J’ai du mal à répondre à ces questions car je pense que la principale raison pour laquelle j’ai abordé différents genres est que j’ai tout simplement… de la chance. Le contexte, du moins jusqu’à ce jour, m’a permis de développer et de tourner tous les types de films que je souhaitais tourner. Certains des genres dans lesquels j’ai travaillé sont plus étroitement liés que les gens ne semblent le penser. De nombreux cinéastes que j’admire ont eux aussi abordé différents genres et registres : George Roy Hill, Michael Powell, Francis Ford Coppola, Sydney Pollack, Billy Wilder, Mike Nichols, Steven Spielberg, Howard Hawks, Michael Curtiz, George Stevens, Sidney Lumet et tant d’autres.





Pensez-vous que la vulgarisation des nouvelles technologies ait contribué à faire évoluer votre conception du cinéma ?

J. M. L’histoire du cinéma est une suite ininterrompue d’avancées technologiques. Chaque nouveau développement implique de nouveaux dangers, mais aussi de nouvelles possibilités. Au fil du temps, ces technologies se révèlent être un outil merveilleux même s’il ne s’agit parfois que d’un gadget ou d’une simple innovation. Plus que la question du numérique ou de l’analogique, ce qui m’intéresse, c’est avant tout de préserver la pureté de l’artisanat et le sentiment qu'un film a été réalisé par des mains expertes. Comment ces technologies peuvent-elles faire avancer les objectifs émotionnels de notre film sans se contenter d’en jeter plein les yeux ?


Quels sont vos projets ?

J. M. Je prépare actuellement un film que j'ai coécrit sur la communauté de la musique folk à New York au début des années 60 et, plus particulièrement, sur l’histoire de l’arrivée de Bob Dylan, de son ascension miraculeuse et de l'effet qu’il a exercé sur ce monde, lequel a culminé avec sa gloire à partir de 1965.

Propos recueillis par

Jean-Philippe Guerand







Bande-annonce
d’Indiana Jones et le cadran de la destinée

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