Film français de Jérémie Rozan (2023), avec Raphaël Quenard, Agathe Rousselle, Igor Gotesman, Antoine Gouy, Youssef Hajdi, Grégoire Colin, Nina Meurisse, Stéphan Wojtowicz, Foued Nebba, Younes Boucif, Walid Ben Mabrouk, Slimane Dazi, Irina Muluile, Madeleine Baudot, Yohan Silasi, Yann Silasi, Camille Solal, Ludovik… 1h35. Mise en ligne le 6 juillet 2023 sur Netflix.
Raphaël Quenard et Igor Gotesman
En plein cœur des plaines de la Beauce, Chartres se profile fièrement à l’horizon comme certains eldorados de l’Amérique profonde où règne sans partage depuis des lustres une dynastie industrielle, les Breuil, dont dépendent tous les obscurs et les sans-grade du fief. Parmi ceux-ci, un drôle de loustic bien décidé à s’approprier certains fruits juteux de cette croissance insolente : Daniel Sauveur le bien nommé. Il imagine de détourner la casse (le pourcentage de marchandise défectueuse) de cette usine d’embouteillage de parfums, en revendant le pourcentage jusque-là mis au rebut et détruit arbitrairement. Un trafic lucratif dans lequel il implique quelques employés de confiance. Jusqu’au moment où cette belle mécanique vient à s’enrayer, tandis qu’un concurrent entreprend de s’approprier l’empire des Breuil… La comédie policière est un genre qui ne supporte pas l’approximation. Cash est en cela une mécanique de précision savoureuse comme les affectionnaient naguère, Gérard Oury, Georges Lautner et Claude Zidi, avec en prime une stigmatisation en bonne et due forme de l’horreur économique et d’un certain paternalisme industriel. On pourra d’ailleurs s’étonner que le théâtre de ces opérations soit nommé avec une telle précision, là où il est généralement d’usage de rester vague pour éviter de heurter les sensibilités et les potentats locaux qui risqueraient de se reconnaître où de se voir identifiés par leurs concitoyens. Rien de tel ici, tant la vie de province sur fond de lotissements et les dîners en ville des notables sont croqués comme des jalons universels.
Grégoire Colin (au centre)
Connu pour quelques clips marquants et trois épisodes de la série uchronique “La Révolution“ (2020) déjà initiée par Netflix, Jérémie Rozan signe avec Cash une comédie à l’anglaise qui fait la part belle à ses interprètes. Ce jeu de massacre ne délivre son message social que sous couvert d’un spectacle divertissant peuplé de pieds nickelés et autres bras cassés embarqués dans des situations somme toute vraisemblables où le droit du plus fort ne reste pas toujours le meilleur face à la raison du plus fou. Après son coup d’éclat de Chien de la casse, Raphaël Quenard étend son registre à la franche comédie et se donne les moyens de devenir le Belmondo de son époque, en imposant par ailleurs un accent assumé dans un cinéma français qui a renoncé depuis des lustres à ses ancrages régionaux au profit de quelques coquetteries générationnelles nourries d’argot et de verlan. Cash est un divertissement qui s’assume en tant que tel, avec en prime une vision plutôt désabusée d’un monde du travail dans lequel les contremaîtres à l’ancienne (formidable Stéphan Wojtowicz !) ne semblent plus peser bien lourd face à des technocrates décérébrés à la chaîne par les écoles de commerce. La distribution réunit en outre des jeunes talents prometteurs parmi lesquels Agathe Rousselle en DRH, Antoine Gouy et Grégoire Colin en capitaines d’industrie, ainsi qu‘Igor Gotesman, Youssef Hajdi et Nina Meurisse en comparses d’élite. Le tout au service d’un avatar grinçant de la lutte des classes dont le dénouement s’avère d’une immoralité à la démesure de la fameuse fracture sociale.
Jean-Philippe Guerand
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