Shturm Film kazakho-russe d’Adilkhan Yerzhanov (2022), avec Nurbek Mukushev, Azamat Nigmanov, Aleksandra Revenko, Berik Aitzhanov, Yerken Gubashev, Nurlan Batyrov, Daniyar Alshinov… 1h30. Sortie le 12 juillet 2023.
Le cinéaste kazakh Adilkhan Yerzhanov se caractérise par son penchant pour le cinéma de genre qui lui a permis de transposer à la mode de chez lui les conventions du film noir et du thriller, tout en les situant dans un cadre pour le moins inhabituel. C’était déjà le cas dans La tendre indifférence du monde (2018), où un couple aux abois se retrouvait aux prises avec la pègre, et A Dark, Dark Man (2019), dans lequel un flic chargé d’étouffer un meurtre par une hiérarchie corrompue voyait sa mission entravée par une journaliste d’investigation un peu trop curieuse. C’est dans la lignée de ces deux opus coécrits avec le Néerlandais Roelof-Jan Minneboo que s’inscrit Assaut dont le titre lapidaire souligne la filiation avec le classique homonyme de John Carpenter. Dans un cas comme dans l’autre, le film confronte des citoyens ordinaires à un groupe d’étrangers qu’il s’agit d’éliminer, mais dont on ignorera jusqu’à la fin les véritables intentions. À cette nuance près que ces assaillants masqués s’attaquent à une école, c’est-à-dire à ce que ces villageois ont de plus précieux : leurs enfants qu’ils prennent en otage. Une situation d’autant plus désespérée que ce lieu est coupé du monde par une tempête de neige et que parents et enseignants sont condamnés à se substituer aux forces de l’ordre, en attendant l’intervention hypothétique de l’armée, comme la cavalerie dans un western. Avec pour corollaire le rôle de révélateur que constitue cette situation, en confrontant les adultes à leurs responsabilités et à leur capacité à se muer en héros si les circonstances les y contraignent. En affrontant ces assaillants masqués qui conserveront leur mystère ad patres, ces gens comme les autres vont devoir se livrer à un combat ô combien plus redoutable qui va les opposer à… eux-mêmes !
Azamat Nigmanov
Construit comme une tragédie antique stylisée dans un cadre immaculé, Assaut cultive une dimension introspective sinon métaphysique qui s’en remet à la véritable nature de ses protagonistes en situation de crise, avec l’éventualité de s’ériger en sauveurs. Volontiers ironique sinon narquois, Yerzhanov s’attache notamment au comportement contradictoire d’un couple divorcé où un prof de maths apparaît aussi couard que son ex-épouse semble prête à tout pour sauver son fils unique. Dans la plus pure tradition de certains films-catastrophes où des inconnus en viennent à se serrer les coudes, c’est la gravité de la situation qui pousse les uns et les autres à dévoiler leur nature profonde, avec cette notion à géométrie variable que constitue la bravoure, une qualité souvent exacerbée par le cinéma hollywoodien dont Assaut souligne ironiquement qu’elle se révèle à la faveur des situations les plus désespérées. En se concentrant à dessein autour des états d’âme de cet échantillonnage d’enseignants et de parents d’élèves que les événements poussent à se substituer à des autorités défaillantes, le scénario assume des incohérences négligeables pour mieux se concentrer sur les atermoiements et les cas de conscience de ces hommes et de cette femme confrontés à un moment de vérité dont dépendra la suite de leur existence. Sans que Yerzhanov se permette jamais de porter un jugement sur le comportement ponctuel de ces humains trop humains.
Jean-Philippe Guerand
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