Film français de Jeanne Herry (2022), avec Adèle Exarchopoulos, Dali Benssalah, Leïla Bekhti, Élodie Bouchez, Suliane Brahim, Gilles Lellouche, Miou-Miou, Jean-Pierre Darroussin, Fred Testot, Denis Podalydès, Birane Ba, Nema Mercier, Roxane Barazzuol, Pascal Sangla, Anne Benoît, Raphaël Quenard… 1h58. Sortie le 29 mars 2023.
Miou-Miou et Leïla Bekhti
Instaurée en France en 2014, la justice restaurative consiste à confronter des victimes traumatisées à des coupables emprisonnés afin de favoriser la résilience des uns et des autres, en s’assurant que ces volontaires n’aient pas été impliqués dans les mêmes affaires. Des face à face à haut risque émotionnel qui contribuent à aider les uns et les autres à se reconstruire au cours d’échanges éprouvants mais généralement déterminants. C’est l’un de ces groupes de parole que met en scène Jeanne Herry dans Je verrai toujours vos visages. La réalisatrice applique à ce sujet à haute tension un dispositif qu’elle a déjà éprouvé dans son film précédent, Pupille (2018), en s’attachant à de multiples personnalités campées par un casting de rêve. La réalisatrice excelle depuis son premier film, Elle l’adore (2014), à pousser ses interprètes dans leurs ultimes retranchements. Un art périlleux qu’elle met ici au service d’une thérapie de groupe parfois douloureuse, mais souvent aussi déterminante par sa capacité à mettre des mots sur des actes demeurés souvent indéchiffrables. Les tribunaux s’attachent en effet en priorité à établir la culpabilité ou l’innocence des accusés, quitte à sacrifier le contexte psychologique qui a entouré l’affaire et entraîné des dégâts aussi invisibles que durables aux effets secondaires souvent dévastateurs.
Élodie Bouchez et Denis Podalydès
Cette expérience éprouvante possède la vertu inestimable de changer ceux qui y contribuent, en les soumettant à un véritable traitement de choc et en les arrachant à la détresse et à la solitude qui les rongent. De la retraitée victime d’un vol à l’arraché qu’incarne Miou-Miou (la mère de la réalisatrice) à la jeune femme en colère que campe Adèle Exarchopoulos et à tous ces bénévoles pétris de bonnes intentions que leur quotidien soumet à rude épreuve, aucun des protagonistes de ce portrait de groupe avec drames ne laisse indifférent. Parce que Jeanne Herry les met en scène avec une rare empathie et une attention de tous les plans, notamment en s’attardant sur leurs visages, comme le souligne justement le titre de son film. Avec à la clé une charge émotionnelle peu commune qui ne passe jamais par la tentation du jugement manichéen. C’est tout à l’honneur de ce drame choral de s’appuyer sur les fondamentaux du cinéma pour regarder au fond des yeux un échantillonnage d’humanité saisissant d’authenticité. Comme autant de reflets dans ce miroir que Stendhal ambitionnait de promener le long des chemins. Préparez vos mouchoirs !
Jean-Philippe Guerand
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