Film français de Sophie Lévy (2021), avec Roxane Mesquida, Arnaud Valois, Anamaria Vartolomei, Léo Dussollier, Pierre Nisse, Maxime Gleizes, Amanda Rubinstein… 1h26. Sortie le 26 octobre 2022.
Anamaria Vartolomei
Deux sœurs évoluent en vase clos dans une maison moderne devenue malgré elles un véritable cocon. Il n’en faut pas davantage à la réalisatrice Sophie Lévy pour inscrire ce huis clos lapidaire dans une atmosphère étouffante où les mots arborent le tranchant de certaines armes. Elle s’appuie pour cela sur la confrontation de deux jeunes comédiennes qui arborent leur étrangeté comme une marque de fabrique et se comportent comme des mantes religieuses constamment sur le qui-vive : tenant à distance les rares intrus pour préserver leur gynécée des irruptions extérieures. Romane, l’aînée, protège sa cadette, Clémence, dont elle est l’unique lien avec le monde extérieur, cette dernière étant atteinte à la fois d’hémiplégie et de mutisme. Jusqu’à ce moment fatidique où un bel inconnu surgi de l’extérieur va s’immiscer malgré lui au sein de cette relation exclusive en tombant amoureux de la jeune handicapée, alors même que c’est sa propre sœur qui avait initialement des vues sur lui. Davantage qu’un simple exercice de style circonscrit dans le cadre d’un dispositif rigoureux (trois interprètes dans un décor unique et peu d’échappées extérieures), Méduse est un joli tour de force qui révèle la maîtrise de l’espace et de la durée de Sophie Lévy, sans jamais se laisser aveugler par ces contingences.
Roxane Mesquida
Méduse s’impose par une rigueur psychologique et une ascèse dramaturgique qui forcent le respect en poussant ses interprètes à épurer leur jeu sur la corde raide des sentiments, mais aussi sur la puissance implacable des non-dits. Sophie Lévy a choisi à cet effet deux actrices qui portent leur singularité en bandoulière. D’abord la trop rare Roxane Mesquida, partie tenter sa chance Outre-Atlantique, qui inspira à Quentin Dupieux sa charmeuse étrangeté dans Rubber. Avec pour partenaire principale Anamaria Vartolomei, devenue indispensable depuis sa composition magistrale dans L’événement d’Audrey Diwan pour laquelle elle a obtenu le César du meilleur espoir féminin en février dernier. Deux natures à la fois antagonistes et fusionnelles qui se répondent ici comme en écho dans un subtil pas de deux qu’on pourrait assimiler à une petite danse de mort, si ce film n’était placé sous le signe d’une douceur trompeuse. Méduse est un film vénéneux à souhait qui reflète la fascination de son producteur frais émoulu, l’ex-patron de presse Franck Annese, pour ce cinéma de genre qu’il a longtemps exalté dans les colonnes du magazine “So Film” dont il est le créateur. Un coup d’essai qui s’apparente à un coup de maître dépourvu davantage d’ostentation que de passion.
Jean-Philippe Guerand
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