Accéder au contenu principal

“Elizabeth, regard(s) singulier(s)” de Roger Michell



Elizabeth Documentaire britannique de Roger Michell (2021). 1h29. Sortie le 2 juin 2022.





On a l’impression qu’elle fait partie de notre famille depuis toujours et qu’elle a l’éternité devant elle. Des timbres sur les cartes postales qu’on collait en voyage linguistique ou des shillings et des pennies qu’on glissait dans les machines à sous, le visage d’Elizabeth II nous est aussi familier que celui d’une cousine à la mode de Bretagne. C’est donc une surprise de la découvrir célébrée pour ses soixante-dix années de règne dans une sorte de puzzle thématique qui esquisse son portrait façon puzzle en exhumant des archives familiales parfois rarissimes. Ironie du sort, cet hommage aussi atypique qu’affectueux est signé par Roger Michell, le réalisateur de Coup de foudre à Notting Hill, décédé en septembre 2021, dont c’est le second film posthume après The Duke sorti le 11 mai dernier. Un documentaire de montage atypique qui avance par thèmes et parvient à nous surprendre, à nous amuser et même à nous émouvoir, en révélant quelques facettes méconnues de la femme sans doute la plus célèbre de la planète. Une reine protectrice et consolatrice qui a traversé des tempêtes d’une rare violence sans choir pour autant de son trône, des frasques de sa sœur, la princesse Margaret, à la mort tragique de Lady Di dont elle a mésestimé la popularité planétaire au point de lui devoir l’annus horribilis de son règne, pour avoir largement sous-estimé la popularité de son ex-bru.





Projeté le temps de deux séances, les 2 et 5 juin, dans plusieurs centaines de salles françaises, Elizabeth, regard(s) singulier(s) est un authentique film de cinéma qui ravit par la fantaisie de ses thématiques et la richesse de ses images. Au point de réussir à dresser un portrait inattendu d’une reine qu’on croyait connaître comme une aïeule de notre famille et qui se révèle ici comme une femme aussi facétieuse qu’audacieuse, mais aussi une fine politique qui a vu défiler les premiers ministres sans s’en laisser conter et a évolué discrètement au diapason de la marche du monde, en réussissant à préserver l’unité familiale, quitte à trier parfois le bon gain de l’ivraie et à perpétuer son autorité, en dépit des divorces à répétition de ses enfants et des velléités d’émancipation manifestés par ses petits-enfants. Ce film en forme de kaléidoscope est une authentique réussite qui ne sombre pourtant jamais dans le piège de l’hagiographie, grâce à une mise en perspective très habile et à une héroïne qui a toujours mêlé un charisme atypique à son intelligence politique. God Save the Queen !

Jean-Philippe Guerand








Commentaires

Posts les plus consultés de ce blog

Le paradis des rêves brisés

La confession qui suit est bouleversante… © A Medvedkine Elle est le fait d’une jeune fille de 22 ans, Anna Bosc-Molinaro, qui a travaillé pendant cinq années à différents postes d’accueil à la Cinémathèque Française dont elle était par ailleurs une abonnée assidue. Au-delà de ce lieu mythique de la cinéphilie qui confie certaines tâches à une entreprise de sous-traitance aux méthodes pour le moins discutables, CityOne (http://www.cityone.fr/) -dont une responsable non identifiée s’auto-qualifie fièrement de “petit Mussolini”-, sans nécessairement connaître les dessous répugnants de ses “contrats ponctuels”, cette étudiante éprise de cinéma et idéaliste s’est retrouvée au cœur d’un mauvais film des frères Dardenne, victime de l'horreur économique dans toute sa monstruosité : harcèlement, contrats précaires, horaires variables, intimidation, etc. Ce n’est pas un hasard si sa vidéo est signée Medvedkine, clin d’œil pertinent aux fameux groupes qui signèrent dans la mouva

Bud Spencer (1929-2016) : Le colosse à la barbe fleurie

Bud Spencer © DR     De Dieu pardonne… Moi pas ! (1967) à Petit papa baston (1994), Bud Spencer a tenu auprès de Terence Hill le rôle de complice qu’Oliver Hardy jouait aux côtés de Stan Laurel. À 75 ans et après plus de cent films, l’ex-champion de natation Carlo Pedersoli, colosse bedonnant et affable, était la surprenante révélation d’ En chantant derrière les paravents  (2003) d’Ermanno Olmi, Palme d’or à Cannes pour L’arbre aux sabots . Une expérience faste pour un tournant inattendu au sein d’une carrière jusqu’alors tournée massivement vers la comédie et l’action d’où émergent des films comme On l’appelle Trinita (1970), Deux super-flics (1977), Pair et impair (1978), Salut l’ami, adieu le trésor (1981) et les aventures télévisées d’ Extralarge (1991-1993). Entrevue avec un phénomène du box-office.   Rencontre « Ermanno Olmi a insisté pour que je garde mon pseudonyme, car il évoque pour lui la puissance, la lutte et la violence. En outre, c’était

Jean-Christophe Averty (1928-2017) : Un jazzeur sachant jaser…

Jean-Christophe Averty © DR Né en 1928, Jean-Christophe Averty est élève de l'Institut des Hautes Etudes Cinématographiques (Idhec) avant de partir travailler en tant que banc-titreur pour les Studios Disney de Burbank où il reste deux ans en accumulant une expertise précieuse qu'il saura mettre à profit par la suite. De retour en France, il intègre la RTF en 1952 où il réalisera un demi-millier d'émissions de radio et de télévision dont Les raisins verts (1963-1964) qui assoit sa réputation de frondeur à travers l'image récurrente d'une poupée passé à la moulinette d'un hachoir à viande et pas moins de 1 805 numéros des Cinglés du music-hall (1982-2006) où il exprime sa passion pour la musique, sur France Inter, puis France Culture, lui, l'amateur de jazz à la voix inimitable chez qui les mots semblent se bousculer. Fin lettré et passionné par les images, l’iconoclaste Averty compte parmi les pionniers de la vidéo et se caract