Film britannique de Roger Michell (2020), avec Jim Broadbent, Helen Mirren, Fionn Whitehead, Aimee Kelly, Craig Conway, Heather Craney, Simon Hubbard, Jack Bandeira, Michael Adams, Ray Burnet, Charlie Richmond… 1h35. Sortie le 11 mai 2022.
Jim Broadbent
Il court à travers le cinéma britannique une longue tradition qui consiste à sourire de ses petits travers, sans pour autant jamais se prendre au sérieux. C’est d’ailleurs ce que certains observateurs ont résumé sous l’appellation contrôlée d’“humour anglais” voire parfois de “nonsense”. L’âge d’or de l’immédiat Après-Guerre l’a démontré à travers des chefs d’œuvre aussi narquois que Noblesse oblige (1949), Tueurs de dames (1955) ou Un poisson nommé Wanda (1988). Célèbre pour la comédie sentimentale Coup de foudre à Notting Hill (1999), Le regretté Roger Michell (1956-2021) perpétue cette tradition à son tour en puisant le sujet de The Duke dans un fait divers authentique qui démontre combien la Perfide Albion a le chic pour encourager la réalité à dépasser la fiction. Le héros du premier de ses films posthumes (le second est un documentaire de montage réalisé dans le cadre des 75 ans de règne d’Elizabeth II qui sera diffusé début juin au cours de deux séances exceptionnelles) est un éternel râleur en guerre contre la taxe audiovisuelle qui manifeste son esprit de rébellion. En 1961, il s’introduit dans cet esprit à l’intérieur de la National Gallery afin d’y dérober un petit tableau de Goya représentant le duc de Wellington et réclamer une rançon.
Jim Broadbent et Helen Mirren
Difficile de dissocier ce chauffeur de taxi sexagénaire qui incarne à lui seul l’esprit de subversion chère à la Perfide Albion de son interprète, Jim Broadbent, injustement méconnu sur cette rive de la Manche malgré des compositions souvent savoureuses et un Oscar du meilleur acteur dans un second rôle remporté il y a vingt ans pour Iris de Richard Eyre. En couple avec l’exquise Helen Mirren, il incarne à lui tout seul à travers sa fausse bonhomie matoise une certaine insularité rebelle. L’époque est reconstituée avec méticulosité et tout l’esprit qui va de pair. Ce film délicieux est une sorte d’éloge de la contestation qui décrit une Angleterre où les différences sociales étaient encore très marquées. Servi par un scénario signé par le dramaturge Richard Bean et le transfuge du petit écran Clive Coleman, cette comédie savoureuse confirme combien Roger Michell excellait dans l’art ingrat de mettre en valeur le talent des autres, qu’ils soient auteurs ou acteurs. Il tire sa révérence avec une œuvre de commande d’une rare élégance, en s’effaçant avec une noblesse exemplaire.
Jean-Philippe Guerand
Jim Broadbent et Helen Mirren
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