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“The Last Hill Billy” de Thomas Jenkoe et Diane-Sara Bouzgarrou




Documentaire franco-quatarien de Thomas Jenkoe et Diane-Sara Bouzgarrou (2020), avec Brian Ritchie… 1h20. Sortie le 9 juin 2021.






Les Hillbillies, ce sont ces petits Blancs des Appalaches et des Ozarks qui vivent repliés sur eux-mêmes et ont subi une paupérisation qui a fait d’eux l’un des réservoirs électoraux les plus sûrs de l’ex-Président Donald Trump, quitte à ne récolter en échange qu’une stigmatisation accrue de la part du reste des États-Unis. Netflix a mis en ligne récemment le film de Ron Howard Une ode américaine (en anglais The Hillbilly Elegy), d’après le récit de J. D. Vance, qui se déroule dans le même cadre que le documentaire de Thomas Jenkoe et Diane-Sara Bouzgarrou. Hillbilly est devenu peu à peu un terme péjoratif qui sert à désigner sans nuances les ploucs et autres péquenauds de l’Amérique profonde, celle des pionniers que le progrès a laissés en rade. The Last Hill Billy s’attache de façon plutôt contemplative à ces parias qui se sentent d’autant plus marginalisés qu’ils ont enduré de plein fouet les crises économiques et sociales successives sans jamais bénéficier des bienfaits d’une croissance systématiquement réservée aux habitants des villes. Au point de devenir d’authentiques damnés de la terre représentant un enjeu électoral déterminant que Trump a tenté d’instrumentaliser à des fins personnelles.






Ce ne sont néanmoins pas des gens en colère que filment Thomas Jenkoe et Diane-Sara Bouzgarrou, mais plutôt des marginaux broyés par un système dans lequel ils ne parviennent pas à s’intégrer et qui en sont arrivés à se sentir ostracisés. Une Amérique des montagnes dont le mode de vie n’a que très peu évolué au fil des siècles et qui constitue aujourd’hui un monde à part et en voie d’extinction. Les réalisateurs de ce film s’attachent à une famille blanche et rurale de la région reculée de l’Est du Kentucky qui s’exprime à travers les mots choisis d’un de ses membres, Brian Ritchie, lequel dit son spleen, en répliquant par la poésie à ceux qui méprisent sa communauté déjà marginalisée. C’est la parole de cet homme sage et lucide qui nourrit la réflexion baignée de nostalgie de ce film articulé en trois chapitres aux titres explicites : “Under the Family Tree”, “The Wasteland” et “Land of Tomorrow”. Une élégie qui évoque par son empathie les deux premiers opus de Chloé Zhao, Les chansons que mes frères m’ont apprises (2015) et The Rider (2017) situés l’un et l’autre dans le Sud du Dakota, sans jamais céder à la tentation du western qu’auraient pu entraîner ces somptueux paysages cadrés au format 1.33 pour éviter que le formalisme n’en vienne à édulcorer un propos très profond. Derrière ce portrait impressionniste se profile la face cachée de l’Amérique que The Last Hill Billy s’efforce de réhabiliter sans tapage intempestif.

Jean-Philippe Guerand



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