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“Une ode américaine” de Ron Howard




Hillbilly Elegy Film américain de Ron Howard (2020), avec Gabriel Basso, Amy Adams, Haley Bennett, Glenn Close, Owen Asztalos, Freida Pinto, Bo Hopkins… 1h56. Mise en ligne sur Netflix le 24 novembre 2020.



Haley Bennett, Glenn Close et Owen Asztalos



Inlassable contempteur du rêve américain et de sa myriade de mythologies, Ron Howard ne dévie que rarement de sa trajectoire. Et quand il tourne pour une plateforme de streaming, c’est sans rien changer à son processus créatif et en restant fidèle à son partenaire inséparable, le producteur Brian Grazer, associé à tous ses films depuis Les croque-morts en folie (1985) et avec lequel il a partagé l’Oscar du meilleur film décerné à Un homme d’exception en 2002. Une ode américaine est l’adaptation par la scénariste Vanessa Taylor (nommée à l’Oscar pour La forme de l’eau de Guillermo del Toro, en 2018) des mémoires de l’avocat d’origine prolétaire James David Vance publiés en France par Globe sous le titre Hillbilly élégie. Cette “Success Story” se déroule parmi la communauté blanche déclassée des Appalaches qui est réputée avoir porté Donald Trump au pouvoir. D’où le caractère prophétique conféré à ce best-seller paru en pleine campagne présidentielle de 2016 qui dépeint ces oubliés de l’Amérique profonde, victimes de la désindustrialisation de la Rust Belt (la fameuse Ceinture rouillée) et généralement dépourvus d’emplois autant que de couverture sociale.



Haley Bennett, Gabriel Basso et Amy Adams



À son habitude, Ron Howard témoigne d’une profonde empathie à l’égard de ses protagonistes en démontant la spirale inéluctable qui les conduit au bord de l’abîme. Il réunit pour cela des interprètes idéaux. Qu’il s’agisse de Glenn Close, prodigieuse en matriarche aussi prompte à s’identifier à Arnold Schwarzenegger dans Terminator 2 (« Hasta la vista, Baby ! ») qu’à soutenir que la « famille est la seule chose qui compte » et en mettant ses principes à exécution ; Amy Adams en ex-infirmière dont l’héroïnomanie perpétue une malédiction héréditaire. Ces deux comédiennes accumulent à elles deux la bagatelle de treize nominations aux Oscars… sans la moindre statuette à leur palmarès ! Haley Bennett (la révélation de Swallow) et Freida Pinto (Slumdog Millionaire) complètent ce casting impeccable dominé par Gabriel Basso dans un rôle pivot dénué d’effets. Ce type valeureux qui conjure la déchéance familiale en cumulant trois métiers pour payer ses études à Yale et s’enquiert auprès de son amoureuse des subtilités de l’étiquette lors de son premier dîner dans la bonne société, face à un alignement déconcertant de couverts. C’est ce complexe d’infériorité endémique et ses dégâts collatéraux que met en scène avec délicatesse Ron Howard comme l’autopsie d’un désastre collectif. Il excelle sur ce registre sans céder au pathos. À l’instar de cette scène d’anthologie où Amy Adams traverse les urgences en patins à roulettes sur l’air de “Cruel Summer”. Une ode américaine possède bien des atouts pour s’aligner dans la course aux Oscars où la fermeture des salles américaines devrait accroître le potentiel des plateformes de streaming.

Jean-Philippe Guerand




Amy Adams et Gabriel Basso

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