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"Les choses qu’on dit, les choses qu’on fait" d'Emmanuel Mouret

Film français d’Emmanuel Mouret (2020), avec Camélia Jordana, Niels Schneider, Vincent Macaigne… 2h02. Sortie le 16 septembre 2020.   Niels Schneider, Jenna Thiam et Guillaume Gouix Emmanuel Mouret est longtemps apparu comme une sorte d’héritier de Sacha Guitry, pour son goût des mots, et d’Éric Rohmer, pour son esprit de marivaudage. Il partage en effet avec ses maîtres une fascination immodérée pour les femmes et a le chic pour leur faire dire de jolies choses dans un langage choisi. Après sept films sur le registre de la légèreté, dans lesquels il n’a pas hésité à se mettre lui-même en scène face à des aréopages de ce que le cinéma français comptait de plus exquis en matière de jeunes comédiennes, il a tenté un virage radical vers la tragédie avec Une autre vie (2013). Mais il y a plus de Musset que de Racine chez cet orfèvre des mots qui est revenu à davantage de légèreté avec Caprice (2015), puis s’est donné le temps de réfléchir avant d’accéder enfin à la rec

"Antoinette dans les Cévennes" de Caroline Vignal

Film français de Caroline Vignal (2020), avec Laure Calamy, Benjamin Lavernhe, Olivia Côte… 1h35. Sortie le 16 septembre 2020.   Laure Calamy Il y a dans l’appel de la nature qui saisit actuellement les citadins quelque chose de l’innocence assumée décrite par Gustave Flaubert dans Bouvard et Pécuchet . C’est ce constat dont rend compte Caroline Vignal dans son deuxième long métrage, vingt ans tout juste après Les autres filles . Quand son amant lui annonce sa décision de passer ses vacances avec sa femme et sa fille au lieu de roucouler en se regardant les yeux dans les yeux comme il le lui avait promis, une institutrice décide de marcher sur les traces de la petite famille du traître afin de provoquer une rencontre fortuite. Accompagnée d’un âne prénommé Patrick, elle part donc en randonnée à travers le Sud de la Lozère, sur les traces de l’écrivain Robert Louis Stevenson. Une alternative païenne au chemin de Compostelle au fil de laquelle les marcheurs séjournent da

"Rocks" de Sarah Gavron

Film britannique de Sarah Gavron (2019), avec Bukky Bakray, Kosar Ali, D’Angelou Osei Kissiedu… 1h33. Sortie le 9 septembre 2020. Le cinéma britannique indépendant n’est pas encore tout à fait mort. Il connaît même une jolie résurgence avec Rocks . Lorsque leur mère vient à disparaître, une adolescente et son petit frère font appel à la solidarité de leur entourage pour échapper coûte que coûte à l’emprise des services sociaux. Une situation qui sert de prétexte à une chronique sensible que ne désavouerait sans doute pas le maître du genre, Ken Loach, même si son caractère féminin s’avère prépondérant. Pour parvenir à cette authenticité matinée de liberté, la réalisatrice a organisé préalablement au tournage des ateliers d’improvisation qui donnent au film un caractère documentaire accru. Ce dispositif est d’autant plus pertinent qu’il marque une nette rupture avec la facture calibrée de ses premiers opus : Rendez-vous à Brick Lane (2007) et Les suffragettes (2015)

"La daronne" de Jean-Paul Salomé

Film français de Jean-Paul Salomé (2020), avec Isabelle Huppert, Hippolyte Girardot, Farida Ouchani… 1h46. Sortie le 9 septembre 2020. Interprète judiciaire franco-arabe, Patience Portefeux passe le plus clair de son temps à procéder à des écoutes téléphoniques pour le compte de la Brigade des stups. Jusqu’au jour où elle identifie un trafiquant qui n’est autre que le fils de l’infirmière dévouée qui veille sur sa propre mère. À défaut de le dénoncer, elle décide de saisir l’occasion et de s’infiltrer au sein de son réseau en profitant de ses compétences linguistiques pour améliorer son ordinaire. La police surnomme alors cette dealeuse insaisissable “la daronne”… Ce personnage d’anar fantasque qui n’est pas sans évoquer celui incarné par Isabelle Adjani dans Le monde est à toi (2018) de Romain Gavras, ne serait-ce que par sa garde-robe ahurissante de diva de banlieue vêtue de pied en cap en mode contrefaçon, est campé par sa rivale de toujours, Isabelle Huppert.

"Adolescentes" de Sébastien Lifshitz

Documentaire français de Sébastien Lifshitz (2019) 2h15. Sortie le 9 septembre 2020. Alternant fictions et documentaires, Sébastien Lifshitz n’a de cesse de brouiller les cartes et de briser les normes en usage. Comme s’il souhaitait démontrer en permanence l’élasticité de cette catégorisation arbitraire. Chez lui, la vie est toujours postée en embuscade qui ne demande qu’à débouler pour ébranler nos certitudes et transformer les individus en personnages. Révélé en 2019 au festival de Locarno,  Adolescentes est l’aboutissement d’un de ces projets comme les affectionne le cinéaste. Un pari qui consistait à accompagner deux jeunes filles de l’enfance à l’âge adulte, en pointant tout ce qui les sépare et tout ce qui les unit. Soyons honnête : elles ne semblent vraiment proches que… lorsqu’elles se retrouvent, mais suivent entre-temps des sillons qui s’écartent en raison de leurs modes de vie et de leurs origines sociales. Autant l'une sait ce qu'elle veut et ne

Vilmos Zsigmond : La lumière du juste

Vilmos Zsigmond © Jean-Philippe Guerand Mort le 1 er janvier 2016, le chef opérateur Vilmos Zsigmond était venu à Paris en juin précédent afin d’y présenter la version restaurée de The Rose de Mark Rydell (1978) dans le cadre du Champs-Elysées Film Festival. Il achevait alors le tournage d’un documentaire que lui a consacré Pierre Filmon, Close Encounters With Vilmos Zsigmond, produit par Marc Olry. Né en Hongrie en 1930, cet homme de lumière qui se faisait une très haute idée de son métier, mais n’entendait pas “dételer” malgré son âge vénérable, a incarné dans les années 70 avec son ami et compatriote László Kovács l’émergence de l’école hongroise au sein du Nouvel Hollywood. Peut-être parce que les deux compères avaient débuté leur carrière ensemble quinze ans plus tôt en filmant caméra à l’épaule l’insurrection de Budapest de 1956, avant de prendre la poudre d’escampette pour les États-Unis, avec leurs images vendues à la chaîne CBS en guise de laissez-passer. Après avo

"Énorme" de Sophie Letourneur

Film français de Sophie Letourneur (2019), avec Marina Foïs, Jonathan Cohen, Jacqueline Kakou… 1h41. Sortie le 2 septembre 2020. Marina Foïs Le point de départ peut sembler saugrenu. Une pianiste consacre toute sa vie à sa carrière que gère pour elle son époux et impresario qu’elle suit aveuglément, tant il la materne dans chacun des gestes de sa vie quotidienne. Jusqu’au moment où celui-ci lui fait… un enfant dans le dos. Alors que l’équilibre de leur couple a toujours reposé sur le fait qu’ils étaient d’accord pour ne jamais avoir d’enfant, il la place malgré elle dans une situation impossible qu’elle met un certain temps à assumer et même simplement à comprendre, son mari assumant à sa place ses multiples contraintes de future mère avec une jubilation touchante. Grossissant le trait à dessein, Sophie Letourneur signe une comédie inattendue sur la maternité et s’autorise des scènes franchement surréalistes où la virtuose se complaît dans un déni de grossesse d’anthol

"Antigone" de Sophie Deraspe

Film québécois de Sophie Deraspe (2019), avec Nahéma Ricci, Rachida Oussaada, Nour Belkhiria… 1h49. Sortie le 2 septembre 2020. Nahéma Ricci Comme son titre l’indique clairement, ce film est une libre adaptation de la tragédie de Sophocle popularisée par Jean Anouilh. L’héroïne en est une adolescente à qui tout sourit, mais qui n’accepte pas de voir son frère gâcher son avenir en prison. Alors elle décide de purger sa peine à sa place en profitant d’une visite. Un sacrifice qui va transformer cette rebelle en égérie aux yeux de sa génération. En effet, elle récuse l’injustice et n’utilise pour cela que des armes légales. À travers cette Antigone qui se bat par pur idéalisme, la réalisatrice Sophie Desrape élargit son propos à ces communautés immigrées dont la situation est universelle. C’est celle de tous ces déracinés qui doivent produire un effort accru pour se faire une place au soleil de leur terre d’élection, mais restent à la merci du dérapage le plus anodin. L

"Ema" de Pablo Larrain

Film chilien de Pablo Larrain (2019), avec Mariana Di Gir ó lamo, Gael Garcia Bernal, Paola Giannini… 1h42. Sortie le 2 septembre 2020. Mariana Di Gir ó lamo et Gael Garcia Bernal Une jeune danseuse intégralement dévouée à son art vit dans le souvenir d’une adoption ratée qui la ronge. Un sujet tabou que le cinéaste chilien Pablo Larrain traite avec son tact coutumier à travers un personnage qu’il décrit comme emblématique de cette fameuse génération des Millenials pour laquelle les valeurs suprêmes sont l’écologie, la tolérance et une nouvelle approche de la liberté qui passe par un respect absolu d’autrui. Loin d’être une sainte, Ema exerce par ailleurs une réelle influence sur tous ceux qu’elle croise et contribue à les rendre meilleurs. Larrain assume d’ailleurs avoir été influencé par Théorème (1968), la générosité se substituant chez lui à la subversion mise en scène par Pier Palo Pasolini dans un contexte il est vrai fort différent. En l’occurrence, celle par

"Une barque sur l’océan" d’Arnold de Parscau

Film français d’Arnold de Parscau (2019), avec Hari Santika, Dorcas Coppin, Elisza Cahaya… 1h35.  Sortie le 26 août . Hari Santika et Dorcas Coppin Une fille d’expatriée entreprend d’initier au piano un artiste indonésien autodidacte dans les bras duquel elle finit par succomber. Tandis que le jeune homme commence à voler de ses propres ailes en composant des morceaux de plus en plus élaborés et en s’affranchissant de celle qui lui a tout appris, cette passion interdite commence à leur peser pour des raisons différentes. Singulière initiative que cette Love Story tournée intégralement à Bali avec des interprètes inconnus qui raconte la plus banale des histoires d’amour impossibles, sans jamais sombrer pour autant dans les clichés les plus éculés. Sans doute grâce à la photogénie envoûtante des deux protagonistes principaux : Hari Santika et surtout la très sensuelle Dorcas Coppin. Dorcas Coppin et  Hari Santika Il y a quelque chose qui relève du péché ori