Accéder au contenu principal

"Adolescentes" de Sébastien Lifshitz



Documentaire français de Sébastien Lifshitz (2019) 2h15. Sortie le 9 septembre 2020.




Alternant fictions et documentaires, Sébastien Lifshitz n’a de cesse de brouiller les cartes et de briser les normes en usage. Comme s’il souhaitait démontrer en permanence l’élasticité de cette catégorisation arbitraire. Chez lui, la vie est toujours postée en embuscade qui ne demande qu’à débouler pour ébranler nos certitudes et transformer les individus en personnages. Révélé en 2019 au festival de Locarno, Adolescentes est l’aboutissement d’un de ces projets comme les affectionne le cinéaste. Un pari qui consistait à accompagner deux jeunes filles de l’enfance à l’âge adulte, en pointant tout ce qui les sépare et tout ce qui les unit. Soyons honnête : elles ne semblent vraiment proches que… lorsqu’elles se retrouvent, mais suivent entre-temps des sillons qui s’écartent en raison de leurs modes de vie et de leurs origines sociales. Autant l'une sait ce qu'elle veut et ne fait qu'un avec sa tribu, autant l'autre veut laisser une marge de manœuvre aux circonstances.




Issues de milieux différents, Emma et Anaïs partagent les mêmes coups de cœur et les mêmes incertitudes face à un avenir incertain qui leur commande d’établir des choix en porte-à-faux avec l’insouciance de la jeunesse. Et puis, à travers leurs petites personnes, élevées dans un cocon provincial -l’une avec sa mère à qui elle ressemble tant qu’elles passent le plus clair de leur temps à se chamailler, l’autre au sein d’une famille modeste mais soudée-, c’est un portrait en creux de notre histoire commune qu’esquisse malgré lui Lifshitz. Parce qu’en certaines occasions, le pays tout entier vibre au même rythme. Notamment à l’occasion des attentats de 2015. Adolescentes nous propose de nous regarder dans un miroir dont les reflets innombrables permettent à chacun de retrouver une part de lui-même, aussi infime soit-elle. C’est la magie unique de ce film à la fois singulier et pluriel que le temps ne pourra que contribuer à bonifier. C’est pourquoi aussi on souhaiterait qu’il se poursuive dans l’avenir. Pour accompagner nos vies à travers celles d’Emma et d’Anaïs.
Jean-Philippe Guerand



Commentaires

Posts les plus consultés de ce blog

Le paradis des rêves brisés

La confession qui suit est bouleversante… © A Medvedkine Elle est le fait d’une jeune fille de 22 ans, Anna Bosc-Molinaro, qui a travaillé pendant cinq années à différents postes d’accueil à la Cinémathèque Française dont elle était par ailleurs une abonnée assidue. Au-delà de ce lieu mythique de la cinéphilie qui confie certaines tâches à une entreprise de sous-traitance aux méthodes pour le moins discutables, CityOne (http://www.cityone.fr/) -dont une responsable non identifiée s’auto-qualifie fièrement de “petit Mussolini”-, sans nécessairement connaître les dessous répugnants de ses “contrats ponctuels”, cette étudiante éprise de cinéma et idéaliste s’est retrouvée au cœur d’un mauvais film des frères Dardenne, victime de l'horreur économique dans toute sa monstruosité : harcèlement, contrats précaires, horaires variables, intimidation, etc. Ce n’est pas un hasard si sa vidéo est signée Medvedkine, clin d’œil pertinent aux fameux groupes qui signèrent dans la mouva

Bud Spencer (1929-2016) : Le colosse à la barbe fleurie

Bud Spencer © DR     De Dieu pardonne… Moi pas ! (1967) à Petit papa baston (1994), Bud Spencer a tenu auprès de Terence Hill le rôle de complice qu’Oliver Hardy jouait aux côtés de Stan Laurel. À 75 ans et après plus de cent films, l’ex-champion de natation Carlo Pedersoli, colosse bedonnant et affable, était la surprenante révélation d’ En chantant derrière les paravents  (2003) d’Ermanno Olmi, Palme d’or à Cannes pour L’arbre aux sabots . Une expérience faste pour un tournant inattendu au sein d’une carrière jusqu’alors tournée massivement vers la comédie et l’action d’où émergent des films comme On l’appelle Trinita (1970), Deux super-flics (1977), Pair et impair (1978), Salut l’ami, adieu le trésor (1981) et les aventures télévisées d’ Extralarge (1991-1993). Entrevue avec un phénomène du box-office.   Rencontre « Ermanno Olmi a insisté pour que je garde mon pseudonyme, car il évoque pour lui la puissance, la lutte et la violence. En outre, c’était

Jean-Christophe Averty (1928-2017) : Un jazzeur sachant jaser…

Jean-Christophe Averty © DR Né en 1928, Jean-Christophe Averty est élève de l'Institut des Hautes Etudes Cinématographiques (Idhec) avant de partir travailler en tant que banc-titreur pour les Studios Disney de Burbank où il reste deux ans en accumulant une expertise précieuse qu'il saura mettre à profit par la suite. De retour en France, il intègre la RTF en 1952 où il réalisera un demi-millier d'émissions de radio et de télévision dont Les raisins verts (1963-1964) qui assoit sa réputation de frondeur à travers l'image récurrente d'une poupée passé à la moulinette d'un hachoir à viande et pas moins de 1 805 numéros des Cinglés du music-hall (1982-2006) où il exprime sa passion pour la musique, sur France Inter, puis France Culture, lui, l'amateur de jazz à la voix inimitable chez qui les mots semblent se bousculer. Fin lettré et passionné par les images, l’iconoclaste Averty compte parmi les pionniers de la vidéo et se caract