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"Rocks" de Sarah Gavron



Film britannique de Sarah Gavron (2019), avec Bukky Bakray, Kosar Ali, D’Angelou Osei Kissiedu… 1h33. Sortie le 9 septembre 2020.




Le cinéma britannique indépendant n’est pas encore tout à fait mort. Il connaît même une jolie résurgence avec Rocks. Lorsque leur mère vient à disparaître, une adolescente et son petit frère font appel à la solidarité de leur entourage pour échapper coûte que coûte à l’emprise des services sociaux. Une situation qui sert de prétexte à une chronique sensible que ne désavouerait sans doute pas le maître du genre, Ken Loach, même si son caractère féminin s’avère prépondérant. Pour parvenir à cette authenticité matinée de liberté, la réalisatrice a organisé préalablement au tournage des ateliers d’improvisation qui donnent au film un caractère documentaire accru. Ce dispositif est d’autant plus pertinent qu’il marque une nette rupture avec la facture calibrée de ses premiers opus : Rendez-vous à Brick Lane (2007) et Les suffragettes (2015).




Rocks exploite une veine délibérément plus réaliste en s’appuyant sur des interprètes non professionnels qui jouent en quelque sorte leur vie avant d’endosser un rôle. La mise en scène s’adapte à ces circonstances et contribue à donner au film une authenticité dont le cinéma britannique semble avoir peu à peu perdu le secret au profit de productions calibrées à l’usage du marché international. C’est d’ailleurs à dessein que Sarah Gavron a fait appel pour éclairer ce projet atypique à la directrice de la photo française Hélène Louvart, complice attentionnée des auteurs internationaux purs et durs qui a collaboré depuis avec la réalisatrice américaine Eliza Hittman sur Never Rarely Sometimes Always. Il émane de Rocks une pureté enivrante qui s’avère indissociable d’un processus de réalisation somme toute assez élaboré, le film ayant été tourné à plusieurs caméras et les interprètes découvrant leurs scènes au fur et à mesure pour ne pas risquer d’édulcorer cette spontanéité naturelle qui ne peut se manifester qu’une seule fois. C’est le prix de cette fraîcheur revigorante.
Jean-Philippe Guerand



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