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"La daronne" de Jean-Paul Salomé



Film français de Jean-Paul Salomé (2020), avec Isabelle Huppert, Hippolyte Girardot, Farida Ouchani… 1h46. Sortie le 9 septembre 2020.




Interprète judiciaire franco-arabe, Patience Portefeux passe le plus clair de son temps à procéder à des écoutes téléphoniques pour le compte de la Brigade des stups. Jusqu’au jour où elle identifie un trafiquant qui n’est autre que le fils de l’infirmière dévouée qui veille sur sa propre mère. À défaut de le dénoncer, elle décide de saisir l’occasion et de s’infiltrer au sein de son réseau en profitant de ses compétences linguistiques pour améliorer son ordinaire. La police surnomme alors cette dealeuse insaisissable “la daronne”… Ce personnage d’anar fantasque qui n’est pas sans évoquer celui incarné par Isabelle Adjani dans Le monde est à toi (2018) de Romain Gavras, ne serait-ce que par sa garde-robe ahurissante de diva de banlieue vêtue de pied en cap en mode contrefaçon, est campé par sa rivale de toujours, Isabelle Huppert.




Loin de bouder son plaisir, celle-ci s’autorise les excentricités les plus loufoques pour s’approprier ce personnage de comédie dont elle ne fait qu’une bouchée. Une composition franchement burlesque qui ne laisse qu’un regret : que la comédienne n’ait pas accordé davantage de place à la comédie au fil de sa carrière pléthorique. D’autant plus que loin de bouder son évidente jubilation, elle pousse son personnage dans ses retranchements les plus extravagants avec un plaisir éminemment communicatif. Rompu à la mécanique horlogère de la comédie, Jean-Paul Salomé a eu la bonne idée de privilégier cet aspect du roman de l’ex-avocate pénaliste Hannelore Cayre qui finit par prendre le pas sur l’intrigue policière proprement dite. C’est à ce prix que les acteurs s’emparent de leurs personnages et entraînent le film dans une autre dimension où le réalisme ne peut que déraper. La daronne est un délire savoureux qui ne doit pourtant rien à l’improvisation. Il suffit d’entendre Isabelle Huppert parler arabe (texte qu’elle a appris en phonétique) pour mesurer sa folie.
Jean-Philippe Guerand




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