Film québécois de Sophie Deraspe (2019), avec Nahéma Ricci, Rachida Oussaada, Nour Belkhiria… 1h49. Sortie le 2 septembre 2020.
Nahéma Ricci
Comme son titre l’indique clairement, ce film est une libre adaptation de la tragédie de Sophocle popularisée par Jean Anouilh. L’héroïne en est une adolescente à qui tout sourit, mais qui n’accepte pas de voir son frère gâcher son avenir en prison. Alors elle décide de purger sa peine à sa place en profitant d’une visite. Un sacrifice qui va transformer cette rebelle en égérie aux yeux de sa génération. En effet, elle récuse l’injustice et n’utilise pour cela que des armes légales. À travers cette Antigone qui se bat par pur idéalisme, la réalisatrice Sophie Desrape élargit son propos à ces communautés immigrées dont la situation est universelle. C’est celle de tous ces déracinés qui doivent produire un effort accru pour se faire une place au soleil de leur terre d’élection, mais restent à la merci du dérapage le plus anodin. La particularité d’Antigone est de n’être coupable que d’un crime : son amour envers les siens auxquels elle est prête à tout sacrifier. Comme si un destin pouvait se substituer à un autre.
Nahéma Ricci
À cette pièce dont l’universalité la hantait depuis son adolescence, la cinéaste a mêlé une bavure policière qui a défrayé la rubrique faits divers, en imaginant une très jeune femme dont l’intégrité morale et l’idéalisme sans filtre se fracassent contre la monolithique loi des hommes. Elle a choisi pour ce rôle une interprète qui ne fait qu’une bouchée de son personnage pourtant écrasant et omniprésent : Nahéma Ricci dont le physique gracile contraste avec la détermination d’airain. Elle a par ailleurs respecté la pièce au point de trouver un équivalent au chœur antique : les réseaux sociaux qui agissent comme une caisse de résonance pour ériger cette gamine impulsive au rang de symbole aux yeux de celles et ceux de sa génération à qui elle fait prendre conscience des leurres trompeurs de la société de consommation. Antigone est une formidable ode à la liberté, aussi féminine que féministe, qui s’avère surtout d’une universalité enthousiasmante.
Jean-Philippe Guerand
Nahéma Ricci
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