La Ola Film chilien de Sebastián Lelio (2025), avec Daniela López, Avril Aurora, Lola Bravo, Paulina Cortés, Amparo Noguera, Nestor Cantillana, Amalia Kassai, Florencia Berner, Renata González Špralja, Enzo Ferrada Rosati, Tamara Acosta, Susana Hidalgo, Thiare Ruz, Lucas Sáez Collins, Álvaro Espinoza, Sara Pantoja, José Antonio Raffo, Claudia Cabezas, Manuel Peña, Mariana Loyola… 2h09. Sortie le 5 novembre 2025.
Daniela López
Certains films surfent sur l’air du temps. Quitte à s’exposer à un vieillissement accéléré. Tel est sans doute le sort qui menace à plus ou long terme le nouveau film du réalisateur Sebastián Lelio par son souci de témoigner. Il s’inspire des manifestations qui se sont déroulées au Chili au printemps 2018. Dans une université, des étudiantes décident de s’unir pour dénoncer le harcèlement et les abus dont certaines d’entre elles sont victimes au quotidien sans réagir. Parmi elles, Julia a vécu une brève histoire d’amour toxique qui lui vaut de devenir malgré elle l’une des égéries de ce mouvement qui grossit et menace d’emporter tout sur son passage, si les coupables se refusent à assumer leurs fautes malgré la pression et un changement de paradigme irréversible à travers lequel les victimes d’hier exigent que leur statut soit enfin reconnu et que les bourreaux reconnaissent leur responsabilité et expient leurs fautes sinon leurs crimes. La singularité de La vague est d’adopter les codes de la comédie musicale en s’en donnant les moyens, en s’appuyant sur le fait que le film prend pour cadre une faculté spécialisée dans l’enseignement de différentes disciplines artistiques. Dès lors, ce message universel qui aurait pu donner lieu à un traitement dogmatique use de toutes les ressources du cinéma spectacle pour développer son propos et décrire la prise de conscience et la montée de la colère parmi une génération bien décidée à s’élever contre les ravages du patriarcat et à faire triompher le féminisme en se serrant enfin les coudes.
Daniela López
La vague est une fresque musicale ponctuée d’une succession parfois étourdissante de morceaux de bravoure chantés et dansés qui ont mobilisé le compositeur attitré du cinéaste, le Britannique Matthew Herbert, et pas moins de dix-sept chanteuses de premier plan parmi lesquelles la rappeuse Ana Tijoux, la rockeuse Camila Moreno, Javierra Parra et les quatre interprètes principales que sont Daniela López, Lola Bravo, Avril Aurora et Paulina Cortés. Certains reprocheront sans doute au film une certaine naïveté inhérente au respect des codes inhérents à la comédie musicale : elle sert le propos sans toujours le nuancer, quitte à s’autoriser parfois des raccourcis saisissants sinon manichéens également en vigueur dans l’opéra, mais c’est de bonne guerre tant cette croisade répond à des siècles d’injustice et donne la parole à celles qui en ont été privées par une hégémonie dominatrice et unilatérale. Sebastián Lelio pousse même la coquetterie jusqu’à montrer le temps d’un travelling arrière (plus que jamais affaire de morale, comme l’affirmait Godard) que ce film féministe est réalisé par un homme, ce qui constitue déjà en soi une posture contestable pour les plus extrémistes qui dénient au sexe des oppresseurs le droit de prendre le parti des victimes. Suprême pirouette d’un film plutôt malin qui a le bon goût d’étayer sa posture militante par un sens assumé du spectacle le plus total qui soit. Et si cette Vague nous emporte, c’est aussi parce qu’elle manifeste un amour absolu de la mise en scène en s’en donnant les moyens, à grands renforts de moments d’anthologie, de mouvements de foule et de plans géométriques filmés à la grue. Et tant mieux si cet enchaînement de tableaux réglés au cordeau est au service d’une juste cause.
Jean-Philippe Guerand




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