Accéder au contenu principal

“Bugonia” de Yórgos Lánthimos



Film britanno-coréen de Yórgos Lánthimos (2025), avec Emma Stone, Jesse Plemons, Aidan Delbis, Alicia Silverstone, Stavros Halkias, Parvinder Shergill, J. Carmen Galindez Barrera, Marc T. Lewis, Vanessa Eng, Cedric Dumornay, Momma Cherri, Rafael Lopez Bravo, Yaisa, Teneisha Ellis… 1h59. Sortie le 26 novembre 2025.



Aidan Delbis et Jesse Plemons



Deux cousins bas de plafond décident de kidnapper la patronne d’un empire pharmaceutique en qui ils pensent avoir débusqué une extra-terrestre en planque afin de préparer le terrain à une invasion massive projetée par ses semblables. Devenu une valeur sûre d’un certain cinéma d’auteur, le cinéaste grec Yórgos Lánthimos passe d’un sujet à l’autre avec une certaine roublardise et a fédéré autour de lui des interprètes tels qu’Emma Stone (depuis La favorite en 2018), puis Jesse Plemons, déjà partenaires dans son opus précédent, Kinds of Kindness (2024), qui leur offrait par ailleurs trois rôles chacun. Bugonia est le très libre remake d’un film coréen de Jang Joon-hwan intitulé Save the Green Planet ! (2003) dont les ravisseurs étaient des enfants et l’otage un personnage masculin. Lánthimos les remplace avantageusement par des Rednecks écolo-complotistes (dont le nouveau venu Aidan Delbis) qui renvoient évidemment à la fameuse Amérique Maga de Donald Trump. À cette réserve près que le réalisateur œuvre moins dans la satire politique que dans le cadre d’une comédie fantastique mâtinée de thriller psychologique qui lorgne autant du côté de Rencontres du troisième type de Steven Spielberg que d’Asteroid City (2023) de Wes Anderson. Ce film initié par Ari Aster et écrit par l’auteur caustique du Menu repose pour l’essentiel sur la confrontation des kidnappeurs avec leur otage encombrante et une variation loufoque autour du fameux syndrome de Stockholm.



Emma Stone



Bugonia est un film qui donne l’impression rare que tout peut arriver dans un monde fou fou fou où chaque vérité en cache plein d’autres. Sous l’apparence d’une comédie délirante, se cache un portrait saisissant du monde contemporain pollué par les réseaux sociaux où la vérité est désormais une notion à géométrie variable et à haut risque. C’est dire combien le film revêt une valeur prophétique assumée. Tout est d’ailleurs conçu pour que le spectateur considère comme de doux dingues férus d’apiculture ces Rednecks conspirationnistes qui considèrent que la disparition des abeilles constituerait un avant-goût de l’apocalypse, avant de se mettre à douter de cette impression initiale pour en venir à adhérer à une réalité alternative. Le talent des acteurs est mis à l’épreuve par le réalisateur qui les pousse à son habitude dans leurs ultimes retranchements. C’est ainsi le quatrième film dans lequel Yórgos Lánthimos dirige Emma Stone à qui il a valu son deuxième Oscar pour Pauvres créatures et qui joue ici le crâne rasé en relevant un nouveau défi tel qu’elle les affectionne. Comme si la relation professionnelle qui s’est instaurée entre le metteur en scène et son interprète féminine fétiche était un challenge permanent consistant à monter la barre un peu plus haut à chaque fois et à se transcender. Avec les spectateurs pour témoins privilégiés.

Jean-Philippe Guerand







Emma Stone

Commentaires

Posts les plus consultés de ce blog

Le paradis des rêves brisés

La confession qui suit est bouleversante… © A Medvedkine Elle est le fait d’une jeune fille de 22 ans, Anna Bosc-Molinaro, qui a travaillé pendant cinq années à différents postes d’accueil à la Cinémathèque Française dont elle était par ailleurs une abonnée assidue. Au-delà de ce lieu mythique de la cinéphilie qui confie certaines tâches à une entreprise de sous-traitance aux méthodes pour le moins discutables, CityOne (http://www.cityone.fr/) -dont une responsable non identifiée s’auto-qualifie fièrement de “petit Mussolini”-, sans nécessairement connaître les dessous répugnants de ses “contrats ponctuels”, cette étudiante éprise de cinéma et idéaliste s’est retrouvée au cœur d’un mauvais film des frères Dardenne, victime de l'horreur économique dans toute sa monstruosité : harcèlement, contrats précaires, horaires variables, intimidation, etc. Ce n’est pas un hasard si sa vidéo est signée Medvedkine, clin d’œil pertinent aux fameux groupes qui signèrent dans la mouva...

Berlinale Jour 2 - Mardi 2 mars 2021

Mr Bachmann and His Class (Herr Bachmann und seine Klasse) de Maria Speth (Compétition) Documentaire. 3h37 Dieter Bachmann est enseignant à l’école polyvalente Georg-Büchner de Stadtallendorf, dans le Nord de la province de Hesse. Au premier abord, il ressemble à un rocker sur le retour et mêle d’ailleurs à ses cours la pratique des instruments de musique qui l’entourent. Ses élèves sont pour l’essentiel des enfants de la classe moyenne en majorité issus de l’immigration. Une particularité qu’il prend constamment en compte pour les aider à s’intégrer dans cette Allemagne devenue une tour de Babel, sans perdre pour autant de vue leurs racines. La pédagogie exceptionnelle de ce professeur repose sur son absence totale de préjugés et sa foi en une jeunesse dont il apprécie et célèbre la diversité. Le documentaire fleuve que lui a consacré la réalisatrice allemande Maria Speth se déroule le temps d’une année scolaire au cours de laquelle le prof et ses élèves vont apprendre à se connaître...

Bud Spencer (1929-2016) : Le colosse à la barbe fleurie

Bud Spencer © DR     De Dieu pardonne… Moi pas ! (1967) à Petit papa baston (1994), Bud Spencer a tenu auprès de Terence Hill le rôle de complice qu’Oliver Hardy jouait aux côtés de Stan Laurel. À 75 ans et après plus de cent films, l’ex-champion de natation Carlo Pedersoli, colosse bedonnant et affable, était la surprenante révélation d’ En chantant derrière les paravents  (2003) d’Ermanno Olmi, Palme d’or à Cannes pour L’arbre aux sabots . Une expérience faste pour un tournant inattendu au sein d’une carrière jusqu’alors tournée massivement vers la comédie et l’action d’où émergent des films comme On l’appelle Trinita (1970), Deux super-flics (1977), Pair et impair (1978), Salut l’ami, adieu le trésor (1981) et les aventures télévisées d’ Extralarge (1991-1993). Entrevue avec un phénomène du box-office.   Rencontre « Ermanno Olmi a insisté pour que je garde mon pseudonyme, car il évoque pour lui la puissance, la lutte et la viol...