The Lost Bus Film américain de Paul Greengrass (2025), avec Matthew McConaughey, America Ferrera, Yul Vazquez, Ashlie Atkinson, Spencer Watson, Danny McCarthy, Carrie Lazar, Peter Diseth, Christopher Hagen, Mo Beatty, Gary Kraus, Jermaine Washington, Henry Frost… 2h09. Mise en ligne sur Apple TV+ le 3 octobre 2025.
Paradise, en Californie, en 2018. Un nom prédestiné s’il en est ! Un chauffeur de bus scolaire aux abois devient un héros malgré lui en sauvant des enfants de la fournaise. Tel est le postulat de départ d’un film catastrophe qui constitue aussi une sensibilisation au réchauffement climatique et à ses effets désastreux. En l‘occurrence ici un incendie mémorable qui a traumatisé les États-Unis, sans pour autant sensibiliser les autorités à un dérèglement écologique massif qui n’était pourtant pas inscrit parmi les dix plaies d’Égypte. De tous les fléaux, le feu reste sans doute l’un des plus rarement abordés au cinéma sinon dans Backdraft (1991) de Ron Howard et sur un tout autre registre dans le très minimaliste En plein feu (2022) de Quentin Reynaud. Réputé à la fois pour des œuvres engagées (Bloody Sunday, 2002) et des thrillers palpitants (Vol 93, 2006), Paul Greengrass trouve là un sujet comme il les affectionne où les conventions du grand spectacle se retrouvent au service d’une réflexion plus vaste sur les dégâts provoqués par nos impérities, sinon d'une inconscience collective aux conséquences incalculables. La structure de The Lost Bus… épouse peu ou prou celle de tous les films catastrophes. Un chauffeur de bus scolaire dont la vie personnelle est en miettes se retrouve prisonnier d’un incendie de forêt en compagnie des enfants qu’il transporte et de leur institutrice, cet acte d’héroïsme ultime lui permettant de retrouver sa dignité en se transcendant dans les conditions les plus extrêmes, quitte à affronter des risques insensés avec l’inconscience du désespoir et sans doute aussi pour une bonne part une tendance suicidaire non assumée, le danger faisant ici office de thérapie de choc.
America Ferrera
The Lost Bus - Au cœur des flammes croise deux récits distincts et convergents. D’abord, le processus clinique d’un incendie déclenché par quelques étincelles embrasant des broussailles, puis amplifié par des vents mauvais. Ensuite la routine quotidienne d’un chauffeur chargé d’évacuer un groupe d’enfants d’une zone menacée par les flammes. L’habileté de la mise en scène consiste à croiser avec habileté ces deux postulats sans s’encombrer de fioritures inutiles. Paul Greengrass sert son sujet et rien que son sujet avec la maestria à laquelle il nous a habitués. On a rarement eu à ce point la sensation de se retrouver au milieu des flammes qui dévastent tout sur leur passage où l’unique salut réside dans la fuite. Le film acquiert en outre une autre dimension en choisissant pour personnage principal un homme lui-même aux abois qui assume ses responsabilités moins par héroïsme que pour améliorer son ordinaire grâce à une prime hypothétique. Un rôle d’anti-héros accablé que Matthew McConaughey incarne avec beaucoup de conviction, mû apparemment par son seul sens du devoir qu’il accomplit avec un jusqu’au-boutisme dicté par le désespoir. Comme il en est coutumier, Paul Greengrass soigne les détails en dépeignant une Amérique qui a du mal à boucler ses fins de mois où le système D devient parfois l’ultime bouée de sauvetage lorsque les patrons eux-mêmes en difficulté peinent à payer ce qu’ils doivent à des employés assaillis de charges et de problèmes. Le facteur humain reste une constante récurrente dans le cinéma de Greengrass qui ne se laisse jamais piéger par l’aspect spectaculaire de son film, mais en souligne l’impact sur des protagonistes conditionnés par une situation qui échappe à tout le monde. Dommage qu’on ne puisse pas voir ce film sur grand écran. Ses morceaux de bravoure le méritaient assurément.
Jean-Philippe Guerand
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