Film américain de Scott Cooper (2025), avec Jeremy Allen White, Jeremy Strong, Paul Walter Hauser, Stephen Graham, Gaby Hoffmann, Odessa Young, Marc Maron, Johnny Cannizzaro, David Krumholtz, Arabella Olivia Clark, Grace Gummer, Lynn Adrianna Freedman, Harrison Gilbertson, Stephen Singer, Iván Amaro Bullón, Chris Jaymes, Greg Pronko, Craig Geraghty… 2h. Sortie le 22 octobre 2025.
Jeremy Allen White
Le biopic musical est devenu un genre en soi avec le succès de films tels que Bohemian Rhapsody (2018) de Bryan Singer, Rocketman (2019) de Dexter Fletcher, Elvis (2022) de Baz Luhrmann, Walk the Line (2005) et tout récemment Un parfait inconnu de James Mangold en attendant le sort réservé aux Beatles par Sam Mendes. Springsteen : Deliver Me From Nowhere se concentre sur une période particulière de la carrière du Boss qui l’a conduit à enregistrer en 1982 un album acoustique où il renoue avec les valeurs authentiques qui lui sont chères : “Nebraska” enregistré avec une guitare, un harmonica et un tambourin sur un magnétophone quatre pistes dans des conditions spartiates. Une aventure musicale intime qui s’est avérée d’autant plus déterminante qu’elle a préludé à un album tout en puissance, “Born in the USA”, qui a transformé en star le chanteur réputé pour son intégrité grâce à des morceaux enregistrés pour son disque précédent puis mis de côté dans un esprit de retour aux origines et un refus des effets artificiels. Ce purisme est l’un des signes de reconnaissance de Springsteen que l’on peut considérer comme le digne héritier de Dylan par sa célébration de l’Amérique autant que par sa posture contestataire. Dès lors, le postulat de ce film a refusé la facilité qui aurait consisté à se concentrer sur l’une des étapes ultérieures de sa carrière et son irrésistible ascension aux États-Unis comme à l’international. Connu essentiellement jusqu’ici pour des films d’une brutalité parfois extrême, Scott Cooper a adopté la posture inverse, ô combien plus risquée sur le plan commercial, mais passionnante pour les puristes.
Jeremy Allen White
Raconter la destinée d’une icône de son vivant, c’est s’exposer à la comparaison que les fans et autres gardiens du temple ne manqueront pas de chercher à établir entre l’artiste et son modèle. À cette nuance près que le Bruce Springsteen que décrit ce film est un géant en route pour la gloire qui continue à se chercher, mais manifeste déjà cette exigence qui lui vaut d’être surnommé le Boss, quitte à prendre tous les risques dans un souci d’intégrité artistique. Le chanteur que suit le film a 32 ans et déjà quelques titres de gloire notables dont la composition du tube le plus célèbre interprété par Patti Smith, “Because the Night” et le double album “The River” qui a assis sa réputation. Changement de paradigme total avec “Nebraska” enregistré sans son groupe, le fameux E Street Band. Pour incarner ce chanteur en proie à son obsession de renouer avec les origines de la tradition folk, il fallait un interprète de renom dont le visage n’ait pas été associé à trop de rôles marquants. Scott Cooper a trouvé l’oiseau rare en la personne de Jeremy Allen White, révélé par la série “The Bear” qui lui a valu trois Golden Globes consécutifs du meilleur acteur de comédie. Il sort donc ici de sa zone de confort et passe du petit au grand écran en beauté, mais aussi en endurant tous les risques. La complexité de son rôle repose ici sur la véritable nature de Springsteen dont l’engagement politique va de pair avec un syndrome dépressif à géométrie variable. Des composantes que prend en compte son interprète à travers sa détermination ponctuée de doutes, face à son impresario que campe Jeremy Strong, dans la lignée de sa composition mémorable du mentor de Donald Trump, Roy Cohn, dans The Apprentice. Un casting judicieux qui justifie les multiples risques que prend ce film à “rebrousse-mythe”.
Jean-Philippe Guerand




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