Accéder au contenu principal

“One To One : John & Yoko” de Kevin Macdonald et Sam Rice-Edwards



Documentaire britannique de Kevin Macdonald et Sam Rice-Edwards (2024), avec John Lennon, Yoko Ono, Andy Warhol, Stevie Wonder, May Pang, Allen Ginsberg, Shirley Chisholm, Charles Chaplin, Dick Cavett, Bob Dylan, Roberta Flack, Allen Klein, Peter Kleinow… 1h41. Sortie le 11 octobre 2025.



Yoko Ono et John Lennon


On croyait tout connaître des Beatles à travers les innombrables documentaires et films de fiction qui ont été consacrés aux Fab Four. Lui-même aussi à l’aise sur ces deux registres, le réalisateur britannique Kevin Macdonald, oscarisé en l’an 2000 pour Un jour en septembre, a décidé de se concentrer sur un moment méconnu de la vie de John Lennon. Ces quelques mois de 1972-1973 au cours desquels il s’est installé avec sa compagne Yoko Ono dans le quartier bohème de Greenwich Village à New York, alors même qu’il était jugé indésirable par l’administration américaine de Richard Nixon qui l’accusait d’activisme politique et aurait aimé pouvoir l’expulser pour ses positions contre la guerre du Vietnam. Le film entremêle des images d’archive de cette période, des enregistrements des écoutes téléphoniques du couple par le FBI, parfois d’une incroyable banalité, et des images des deux concerts caritatifs mythiques “One to One” donnés au Madison Square Garden au profit des enfants défavorisés de la Willowbrook State School qui ont fait l’objet d’une somptueuse restauration. Le résultat s’avère toutefois globalement assez déséquilibré, bien que son intérêt musical et historique soit indéniable. L’abondance des conversations sonores présentées à l’écran en deux colonnes parallèles retranscrivant les propos des interlocuteurs tels quels s’avère à la longue aussi fastidieuse pour les yeux que pour les oreilles, tant elle devient invasive et nuit au rythme d’un film qui pâtit de son montage, assuré par le coréalisateur Sam Rice-Edwards et sans doute aussi plus prosaïquement d’un cruel manque de moyens.



John Lennon et Yoko Ono



On retiendra d’One To One : John & Yoko sa contextualisation historique passionnante, qui s’attarde sur un moment déjà évoqué dans le monumental Imagine : John Lennon (1988) d’Andrew Solt, mais pas aussi fouillé. Par son postulat, le film constitue aussi une formidable évocation de cette Amérique post-soixante-huitarde paranoïaque qui menaçait d’imploser à tout moment. La nature même des conversations téléphoniques sur écoute apparaît souvent cocasse par la banalité prosaïque de certains de ces échanges. Comme une version pour Pieds Nickelés du film contemporain de Francis Ford Coppola Conversation secrète (1974). Dans son ensemble, malgré son déséquilibre, le film reste un témoignage palpitant sur l’époque troublée de délitement politique qui a coïncidé avec la disparition du patron du FBI depuis cinq décennies, J. Edgar Hoover, en mai 1972, et précédé le scandale du Watergate… en juin suivant. C’est dire combien cette chronique est une plongée dans les tréfonds d’une démocratie aux abois qui s’égare en choisissant pour victime expiatoire un chanteur pacifiste auquel s’identifie toute une génération par les valeurs humanistes dont il est porteur à une époque où le cynisme politique atteint une sorte de paroxysme face à la convergence des luttes. Reste la musique, celle de Lennon, mais aussi celle de ses invités sur la scène de “One to One” qui appartient désormais à la légende.

Jean-Philippe Guerand






Yoko Ono, Sean Lennon et John Lennon

Commentaires

Posts les plus consultés de ce blog

Le paradis des rêves brisés

La confession qui suit est bouleversante… © A Medvedkine Elle est le fait d’une jeune fille de 22 ans, Anna Bosc-Molinaro, qui a travaillé pendant cinq années à différents postes d’accueil à la Cinémathèque Française dont elle était par ailleurs une abonnée assidue. Au-delà de ce lieu mythique de la cinéphilie qui confie certaines tâches à une entreprise de sous-traitance aux méthodes pour le moins discutables, CityOne (http://www.cityone.fr/) -dont une responsable non identifiée s’auto-qualifie fièrement de “petit Mussolini”-, sans nécessairement connaître les dessous répugnants de ses “contrats ponctuels”, cette étudiante éprise de cinéma et idéaliste s’est retrouvée au cœur d’un mauvais film des frères Dardenne, victime de l'horreur économique dans toute sa monstruosité : harcèlement, contrats précaires, horaires variables, intimidation, etc. Ce n’est pas un hasard si sa vidéo est signée Medvedkine, clin d’œil pertinent aux fameux groupes qui signèrent dans la mouva...

Berlinale Jour 2 - Mardi 2 mars 2021

Mr Bachmann and His Class (Herr Bachmann und seine Klasse) de Maria Speth (Compétition) Documentaire. 3h37 Dieter Bachmann est enseignant à l’école polyvalente Georg-Büchner de Stadtallendorf, dans le Nord de la province de Hesse. Au premier abord, il ressemble à un rocker sur le retour et mêle d’ailleurs à ses cours la pratique des instruments de musique qui l’entourent. Ses élèves sont pour l’essentiel des enfants de la classe moyenne en majorité issus de l’immigration. Une particularité qu’il prend constamment en compte pour les aider à s’intégrer dans cette Allemagne devenue une tour de Babel, sans perdre pour autant de vue leurs racines. La pédagogie exceptionnelle de ce professeur repose sur son absence totale de préjugés et sa foi en une jeunesse dont il apprécie et célèbre la diversité. Le documentaire fleuve que lui a consacré la réalisatrice allemande Maria Speth se déroule le temps d’une année scolaire au cours de laquelle le prof et ses élèves vont apprendre à se connaître...

Bud Spencer (1929-2016) : Le colosse à la barbe fleurie

Bud Spencer © DR     De Dieu pardonne… Moi pas ! (1967) à Petit papa baston (1994), Bud Spencer a tenu auprès de Terence Hill le rôle de complice qu’Oliver Hardy jouait aux côtés de Stan Laurel. À 75 ans et après plus de cent films, l’ex-champion de natation Carlo Pedersoli, colosse bedonnant et affable, était la surprenante révélation d’ En chantant derrière les paravents  (2003) d’Ermanno Olmi, Palme d’or à Cannes pour L’arbre aux sabots . Une expérience faste pour un tournant inattendu au sein d’une carrière jusqu’alors tournée massivement vers la comédie et l’action d’où émergent des films comme On l’appelle Trinita (1970), Deux super-flics (1977), Pair et impair (1978), Salut l’ami, adieu le trésor (1981) et les aventures télévisées d’ Extralarge (1991-1993). Entrevue avec un phénomène du box-office.   Rencontre « Ermanno Olmi a insisté pour que je garde mon pseudonyme, car il évoque pour lui la puissance, la lutte et la viol...