Film français de Richard Linklater (2025), avec Guillaume Marbeck, Zoey Deutch, Aubry Dullin, Bruno Dreyfürst, Benjamin Cléry, Matthieu Penchinat, Pauline Belle, Blaise Pettebone, Benoît Bouthors, Paolo Luka Noé, Adrien Royard, Jade Phan-Gia, Jodie Ruth, Antoine Besson, Alix Bénézech, Tom Novembre, Jean-Jacques Le Vessier, Frank Cicurel, Jonas Marmy… 1h46. Sortie le 8 octobre 2025.
Guillaume Marbeck et Aubry Dullin
Le cinéma a toujours aimé se regarder le nombril dans des films retraçant ses coulisses, qu’il s’agisse des Ensorcelés (1952) et Quinze jours ailleurs (1962) de Vincente Minnelli, La nuit américaine (1973), François Truffaut, Ça tourne à Manhattan (1995) de Tom di Cillo ou Making of de Cédric Kahn (2023). Tel n’est pas le propos de Richard Linklater dans Nouvelle Vague qui reconstitue méthodiquement le tournage d’À bout de souffle (1959) de Jean-Luc Godard. On peut parler à propos de cette reconstitution méthodique d’archéologie du cinéma. Jamais où on l’attend depuis sa trilogie au long cours Before… (1995-2013) conçue avec Ethan Hawke et Julie Delpy, le réalisateur américain de Boyhood (2014) nous donne littéralement l’impression d’assister au tournage de ce film qui a constitué un véritable tournant dans l’histoire du cinéma en libérant la caméra et en s’affranchissant des contraintes inhérentes au studio et à une machinerie plutôt encombrante. Richard Linklater a beau rendre hommage à l’un de ses maîtres en la personne de Jean-Luc Godard, il œuvre moins dans la vénération aveugle que dans la célébration d’une méthode révolutionnaire qui passe parfois par des improvisations et des pannes d’inspiration, mais s’appuie sur une mécanique de précision où seule la forme s’avère de nature à influer sur le fond. Dès lors, le récit de cette aventure s’impose comme une véritable leçon de cinéma dans un noir et blanc d’une splendeur fulgurante dont les protagonistes deviendront pour la plupart des célébrités en passant de l’écrit à l’écran avec la même fringale.
Aubry Dullin et Zoey Deutch
Nouvelle Vague aurait pu rapidement ressembler à un dîner de têtes où le jeu consisterait pour le public à identifier ses futures vedettes. Loin de vouloir réaliser une œuvre élitiste à l’usage exclusif des cinéphiles et des fétichistes, Richard Linklater adopte la posture du passeur en usant d’une coquetterie de mise en scène qui reflète son amour inconditionnel du cinéma et son souci d’entraîner les spectateurs derrière lui. Dès qu’apparaît un nouveau visage à l’écran, il prend soin de mentionner son identité, qu’elle soit célèbre ou obscure. Un artifice qui ressemble à une main tendue et atteint son paroxysme lors d’une visite de Roberto Rossellini à la rédaction des “Cahiers du cinéma” où se pressent les rédacteurs dont plusieurs futurs cinéastes, mais aussi… d’illustres inconnus. Le film se concentre toutefois sur la genèse d’À bout de souffle en reconstituant avec une grande précision le processus qui l’a entouré. Autre parti pris qui s’avère payant : confier tous les rôles de ce film à des interprètes qui sont leur personnage avant d’être des comédiens de renom. Une option gratifiante qui contribue à l’authenticité mais aussi à la fraîcheur de cette évocation où émerge une génération spontanée au fil d’une aventure de cinéma parfois cahotique qui révolutionnera le processus de fabrication des films par son rayonnement. Linklater ne se positionne toutefois pas en admirateur inconditionnel, mais plutôt en observateur attentif, soucieux du moindre détail, montrant l’inconfort de la jeune vedette américaine Jean Seberg (incarnée par la déjà célèbre Zoey Deutch), les doutes du producteur Georges de Beauregard, les éclairs du chef opérateur Raoul Coutard ou la situation ingrate de l’assistant-réalisateur Pierre Rissient. Avec en filigrane la complicité de Godard avec ce chien fou qu’est Jean-Paul Belmondo. Nouvelle Vague est comme une invitation au rêve mimétique mue par une soif irrésistible de cinéma, devant comme derrière la caméra.
Jean-Philippe Guerand
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