Accéder au contenu principal

“L’homme qui rétrécit” de Jan Kounen



Film franco-belge de Jan Kounen (2025), avec Jean Dujardin, Marie-Josée Croze, Daphné Richard, Serge Swysen, Salim Talbi, Miranda Raison, Stéphanie Van Vyve… 1h40. Sortie le 22 octobre 2025.



Jean Dujardin et Serge Swysen



Jean Dujardin semble décidément obsédé par la taille. Après avoir incarné un séducteur d’1m36 dans Un homme à la hauteur (2016) de Laurent Tirard, il s’offre cette fois un caprice de connaisseur en reprenant le rôle principal de L’homme qui rétrécit, classique de Jack Arnold considéré en 1957 comme une parabole de la menace nucléaire. Ce remake reprend les grandes lignes de l’original en tirant parti des progrès de la technologie, alors même que c’était sa naïveté qui conférait sa beauté au classique de Jack Arnold. Mais ce n’est évidemment pas un hasard si le cinéma puise à nouveau son inspiration dans un roman de l’écrivain Richard Matheson de science-fiction qui résonne avec les grandes peurs de notre époque, du dérèglement climatique à l’extinction de certaines espèces et à la recrudescence des conflits armés majeurs. Un père de famille à la tête d’une entreprise de construction navale se trouve soumis malgré lui à un phénomène météorologique qui entraîne son rétrécissement progressif. Une mutation inexplicable qui s’accroît à toute allure et le contraint à regarder autrement le monde qui l’entoure, sa taille l’exposant à des dangers imprévisibles et à des menaces aussi redoutables qu’inattendues. Face à l’impuissance de sa femme et de sa fille, il se réfugie temporairement dans la maison de poupée de cette dernière, mais celle-ci ne constitue qu’un refuge ponctuel pour un homme condamné à rapetisser aux yeux de son entourage jusqu’à devenir… invisible.



Jean Dujardin



En réserve du cinéma depuis la comédie Mon cousin (2020), Jan Kounen manifeste depuis ses débuts une inclination prononcée pour le cinéma de genre qui l’a incité à prendre bien des risques sans toujours être payé de retour pour ses audaces, de ses documentaires à plusieurs échappées en réalité virtuelle. L’homme qui rétrécit marque ses retrouvailles avec Jean Dujardin qu’il avait déjà dirigé dans son adaptation du roman de Frédéric Beigbeder 99 francs (2007). L’acteur est devenu entre-temps une star et a en tant que tel initié ce projet qui tranche avec les ambitions habituelles du cinéma français. Malgré sa thématique souvent revisitée sous forme de comédie, de Chérie j’ai rétréci les gosses (1989) de Joe Johnston à Ant-Man (2015) de Peyton Reed, en passant par les considérations philosophiques de L’aventure intérieure (1987) de Joe Dante et de Downsizing (2017) d’Alexander Payne, le film repose moins sur un arsenal d’effets  spéciaux que sur un usage raisonné du système D, notamment quand le personnage se trouve confronté à des menaces qui ne constituaient jusqu’alors que des composantes banales de son quotidien, qu’il s’agisse d’un chat ou d’une araignée. Ce postulat exploité jusqu’à l’absurde engendre quelques scènes spectaculaires qui ne font que répliquer leurs modèles originels, la poésie en moins. En contrepartie, le film s’en remet tellement à son postulat de départ qu’il en perd de vue la cohérence élémentaire. Au point que quand notre lilliputien disparaît accidentellement du champ de vision de sa famille, personne ne s’inquiète plus de lui et ne semble chercher sérieusement à le retrouver… même microscopique. On aurait pu se passer en outre de ces considérations pompeuses assénées par le narrateur qui tente par ses commentaires en voix off de parer son calvaire d’une dimension philosophique. On n’en demandait pas tant.

Jean-Philippe Guerand





Jean Dujardin

Commentaires

Posts les plus consultés de ce blog

Le paradis des rêves brisés

La confession qui suit est bouleversante… © A Medvedkine Elle est le fait d’une jeune fille de 22 ans, Anna Bosc-Molinaro, qui a travaillé pendant cinq années à différents postes d’accueil à la Cinémathèque Française dont elle était par ailleurs une abonnée assidue. Au-delà de ce lieu mythique de la cinéphilie qui confie certaines tâches à une entreprise de sous-traitance aux méthodes pour le moins discutables, CityOne (http://www.cityone.fr/) -dont une responsable non identifiée s’auto-qualifie fièrement de “petit Mussolini”-, sans nécessairement connaître les dessous répugnants de ses “contrats ponctuels”, cette étudiante éprise de cinéma et idéaliste s’est retrouvée au cœur d’un mauvais film des frères Dardenne, victime de l'horreur économique dans toute sa monstruosité : harcèlement, contrats précaires, horaires variables, intimidation, etc. Ce n’est pas un hasard si sa vidéo est signée Medvedkine, clin d’œil pertinent aux fameux groupes qui signèrent dans la mouva...

Berlinale Jour 2 - Mardi 2 mars 2021

Mr Bachmann and His Class (Herr Bachmann und seine Klasse) de Maria Speth (Compétition) Documentaire. 3h37 Dieter Bachmann est enseignant à l’école polyvalente Georg-Büchner de Stadtallendorf, dans le Nord de la province de Hesse. Au premier abord, il ressemble à un rocker sur le retour et mêle d’ailleurs à ses cours la pratique des instruments de musique qui l’entourent. Ses élèves sont pour l’essentiel des enfants de la classe moyenne en majorité issus de l’immigration. Une particularité qu’il prend constamment en compte pour les aider à s’intégrer dans cette Allemagne devenue une tour de Babel, sans perdre pour autant de vue leurs racines. La pédagogie exceptionnelle de ce professeur repose sur son absence totale de préjugés et sa foi en une jeunesse dont il apprécie et célèbre la diversité. Le documentaire fleuve que lui a consacré la réalisatrice allemande Maria Speth se déroule le temps d’une année scolaire au cours de laquelle le prof et ses élèves vont apprendre à se connaître...

Bud Spencer (1929-2016) : Le colosse à la barbe fleurie

Bud Spencer © DR     De Dieu pardonne… Moi pas ! (1967) à Petit papa baston (1994), Bud Spencer a tenu auprès de Terence Hill le rôle de complice qu’Oliver Hardy jouait aux côtés de Stan Laurel. À 75 ans et après plus de cent films, l’ex-champion de natation Carlo Pedersoli, colosse bedonnant et affable, était la surprenante révélation d’ En chantant derrière les paravents  (2003) d’Ermanno Olmi, Palme d’or à Cannes pour L’arbre aux sabots . Une expérience faste pour un tournant inattendu au sein d’une carrière jusqu’alors tournée massivement vers la comédie et l’action d’où émergent des films comme On l’appelle Trinita (1970), Deux super-flics (1977), Pair et impair (1978), Salut l’ami, adieu le trésor (1981) et les aventures télévisées d’ Extralarge (1991-1993). Entrevue avec un phénomène du box-office.   Rencontre « Ermanno Olmi a insisté pour que je garde mon pseudonyme, car il évoque pour lui la puissance, la lutte et la viol...