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“La vie de château, mon enfance à Versailles” de Clémence Madeleine-Perdrillat et Nathaniel H’limi



Film d’animation franco-luxembourgeois de Clémence Madeleine-Perdrillat et Nathaniel H’limi (2025), avec (voix) Nina Perez-Malartre, Emi Lucas-Viguier, Frédéric Pierrot, Malcolm Vallet-Armellino, Anne Alvaro, Céline Ronte, Jacques Weber, Ariane Ascaride, Thierry Lhermitte, Antoine Reinartz, Renan Cros, Julien Sibre, Oussouby-Junir Fofana, Madoussou Camara, Jaynella Coadou, Magali Rosenzweig… 1h21. Sortie le 15 octobre 2025.





Il fut un temps pas si lointain, jusqu’au milieu des années 80, où le cinéma d’animation produisait une poignée de longs métrages par an, tant le processus s’apparentait alors à un travail de titans mobilisant des milliers de petites mains. Moins d’un demi-siècle plus tard, le rythme s’est emballé et le festival d’Annecy, devenu l’un des plus courus de la planète, fait figure de Fashion Week dans ce domaine en mouvement perpétuel qui a tous les culots sur les plans esthétique, technologique et narratif. La proximité des vacances de la Toussaint nous vaut de voir sortir le même jour Marcel et Monsieur Pagnol de Sylvain Chomet, mais aussi La vie de château, mon enfance à Versailles qui risque de pâtir médiatiquement de cette concurrence frontale. Clémence Madeleine-Perdrillat et Nathaniel H’limi s’y attachent au destin singulier d’une petite orpheline recueillie par son oncle Régis, un colosse ombrageux qui officie comme agent d’entretien là-même où le Roi Soleil régna sur la France. Belle idée qui confronte une gamine solitaire et imaginative à un décor de rêve propice à son imagination fertile. Dès lors, la galerie des glaces devient la plus improbable des cours de récréation et les adultes sont les premiers complices des enfants ravis de donner un coup de jeune à ces lieux chargés d’histoire en se les appropriant comme terrain de jeux. Le résultat est une pure merveille qui s’appuie sur une structure universelle pour confronter l’imaginaire enfantin à un lieu emblématique de l’histoire de France généralement décrit comme le symbole de la royauté et devenu l’un des sites touristiques les plus fréquentés de l’Hexagone.





Avant de devenir un long métrage, La vie de château a été un unitaire de vingt-six minutes en 2019, puis une série en six épisodes entre 2021 et 2024. C’est dire combien ce film constitue l’aboutissement d’un concept qui a fait ses preuves sous l’égide d’une spécialiste de l’écriture, Clémence Madeleine-Perdrillat, et d’un concepteur visuel, Nathaniel H’limi, qui a par ailleurs officié comme auteur et illustrateur sur plusieurs albums pour enfants. Leur jeune héroïne, Violette, aurait pu naître sous la plume de la Comtesse de Ségur, à ceci près que c’est une petite fille d’aujourd’hui qui compense son absence de parents par une imagination à toute épreuve et un culot réjouissant, sans se laisser arrêter par le poids de la grande histoire dont elle ne connaît d’ailleurs encore que quelques bribes tout droit sorties d’un manuel scolaire purement factuel. Davantage portée par son imagination que par la réalité (c’est même le privilège de son âge), elle ne se laisse jamais impressionner par le cadre majestueux devenu son nouveau royaume et met tout en œuvre pour séduire son tuteur ombrageux et peu disert, au point d’en faire son complice affectueux. Le film chemine en permanence sur la ligne de crête de l’humour et de la fantaisie, tout en distillant une émotion qui s’immisce peu à peu au sein de cette chronique d’apprentissage. Avec aussi cette idée puissante qui consiste à confronter des enfants à un lieu mythique où l’histoire de France se vit à livre ouvert. C’est aussi ce rapport ludique à la solennité qui confère au film son identité particulière et lui permet de prendre toutes les libertés par son charme et ses audaces. Difficile de résister au charme conjugué de Violette, de ses petits camarades et de l’imposant Régis au cœur d’artichaut.

Jean-Philippe Guerand






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