Film franco-belge de Thierry Klifa (2025), avec Isabelle Huppert, Laurent Lafitte, Marina Foïs, Raphaël Personnaz, André Marcon, Mathieu Demy, Joseph Olivennes, Micha Lescot, Paul Beaurepaire, Yannick Renier, Patrick Sobelman, Paul Gasnier, Elodie Barthels, Anne Brochet, Jean-Baptiste Lafarge, Douglas Grauwels, Juliette Goudot… 2h03. Sortie le 29 octobre 2025.
Isabelle Huppert et Laurent Lafitte
Sinon pour porter des faits divers à l’écran, le cinéma français hésite à se frotter aux affaires contemporaines mettant en cause des célébrités. Au point que la mention “ Toute ressemblance avec des événements existant ou ayant existé est involontaire ou fortuite ” sert souvent de protection passe-partout destinée à éviter les poursuites judiciaires et qu’elle est souvent remplacée aujourd’hui par un avertissement supposé plus attirant : “ Ceci est une histoire vraie ” quel que puisse être son degré d’authenticité. C’est ainsi que La femme la plus riche du monde dont Isabelle Huppert incarne le rôle-titre a beau se nommer Marianne Farrère, tout le monde sait qu’il s’agit en réalité de la défunte milliardaire Liliane Bettencourt (1922-2017) et que le gigolo dont elle s’entiche et qu’incarne Laurent Lafitte sous le nom de Pierre-Alain Fantin n’est autre que François-Marie Banier condamné en 2016 à quatre ans de prison avec sursis et 375 000 euros d’'amende pour abus de faiblesse. Connu pour son amour des comédiens qu’il a eu le loisir d’exprimer dans les colonnes du magazine “Studio” pendant une dizaine d’années avant de passer à la réalisation, Thierry Klifa aborde cette sordide affaire sous l’angle de la farce satirique, en montrant l’héritière de L’Oréal qui s’ennuie et trouve en ce courtisan provocateur et irrévérencieux un remède à l’ennui qui la ronge, entre un mari bonnet de nuit (André Marcon dans son registre habituel), une fille mal aimée qui se sent trahie (Marina Foïs) et un maître d’hôtel par qui le scandale va arriver (Raphaël Personnaz). Mais pour survivre en eaux troubles, il ne suffit pas d’être un piranha. Encore faut-il savoir attaquer à point nommé.
Raphaël Personnaz et Isabelle Huppert
La femme la plus riche du monde est une comédie de caractères féroce où aucun personnage n’est vraiment épargné. Thierry Klifa a bénéficié à l’écriture du renfort de deux experts plutôt complémentaires : Cédric Anger, qui avait déjà collaboré avec le réalisateur sur Tout nous sépare (2017), et Jacques Fieschi, le collaborateur de prédilection de Nicole Garcia. De cette association est né un film corrosif et parfois cruel qui repose pour une bonne part sur la composition délirante de Laurent Lafitte, véritable chien dans un magasin de porcelaine qui dévaste tout sur son passage, mais sait se rendre indispensable, quitte à humilier les plus fragiles que lui sans états d’âme. Beaucoup vu ces derniers temps sur des registres variés, le comédien n’est sans doute jamais allé aussi loin dans l’arrogance et la cruauté, mais se détache de son modèle par sa vulgarité, là où Banier dissimulait sa sournoiserie derrière sa bonne éducation. Mais il ne s’agit pas de se livrer au jeu des comparaisons. Le film de Klifa peut se savourer comme un conte moral où une fille née avec une cuillère en argent dans la bouche se venge de ne pas avoir été aimée par une mère cannibale, la fortune étant davantage décrite comme un moyen que comme une fin en soi dans un monde passablement coupé du réel qui vit en autarcie. Jusqu’au moment où surgit un intrus venu d’ailleurs qui va faire tomber les masques en tentant de s’adjuger une partie du gâteau grâce à ses saillies et à son mauvais esprit. Le résultat est simplement jubilatoire.
Jean-Philippe Guerand




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