Das Verschwinden des Josef Mengele Film germano-français de Kirill Serebrennikov (2025), avec August Diehl, Maximilian Meyer-Bretschneider, Friederike Becht, Dana Herfurth, Burghart Klaussner, Johannes Hegemann, David Ruland, Carlos Kaspar, Heinz K. Krattiger, Rodrigo Costa Pereyra, Sven Schelker, Christoph Gawenda, Santino Lucci… 2h16. Sortie le 22 octobre 2025.
August Diehl (à droite)
Parmi les hauts dignitaires nazis à avoir réussi à échapper à leur châtiment et à ne jamais payer pour leurs crimes, le cas de Josef Mengele est sans doute celui qui a le plus intéressé le cinéma par les complicités qu’il a impliquées, non seulement de la part des autorités des pays d’Amérique Latine où il s’est réfugié sous une fausse identité, de l’Argentine au Paraguay, en passant par le Brésil, avec à la manœuvre les États-Unis qui ont couvert clandestinement l’exfiltration de bien des hauts responsables du Troisième Reich pour s’assurer de leurs services à l’instar de l’inventeur des V1 et des V2, Werner Von Braun grâce auquel la Nasa a réussi à envoyer des hommes sur la lune. Mengele, John Schlesinger l’a évoqué dans Marathon Man (1975) sous les traits de Laurence Olivier, Franklin Schaffner dans Ces garçons qui venaient du Brésil (1978) sous ceux de Gregory Peck et Lucía Puenzo dans Le médecin de famille (2013) à travers la composition d’Álex Brendemühl. Un personnage machiavélique aux multiples visages que Serebrennikov confie à l’acteur allemand August Diehl dont la performance s’avère d’autant plus paradoxale et extrême qu’il campa son exact opposé dans Une vie cachée de Terrence Malick, en objecteur de conscience autrichien. Il se livre ici à un véritable tour de force en se mettant dans la peau d’une véritable anguille. Un homme aux abois qui n’assume pas ses fautes, fréquente des cercles d’anciens nazis en uniforme nullement inquiétés par leur pays hôte et va même jusqu’à retourner en Allemagne pour retrouver sa famille, sans que quiconque y trouve à redire où cherche à interpeller celui qu’on avait surnommé l’Ange de la mort. Serebrennikov n’évite aucun des sujets qui fâchent en désignant les complices de cette impunité.
August Diehl
Du récit d’Olivier Guez couronné du prix Renaudot 2017, le réalisateur russe en exil de Leto tire un drame psychologique dans lequel il suit à la trace le médecin d’Auschwitz à travers l’Amérique latine où le tortionnaire s’est réfugié incognito, sans être inquiété. Une vie à fuir les crimes impunis qui continuent à hanter ses nuits comme les souvenirs d’une splendeur révolue dont il ne semble pourtant pas mesurer la barbarie. Avec en sus cette coquetterie esthétique que s’autorise le metteur en scène qui consiste à ponctuer ce film au noir et blanc glacé de quelques flash-backs façon home movies qui montrent ses crimes en couleur sur un ton badin accusant son cynisme insoutenable lorsqu’ils infligent des sévices insupportables à ses cobayes et prend la pose au cœur même de l’enfer d’Auschwitz dont il était le médecin-chef et se livraient à des expériences monstrueuses sur les déportés. Avec pour seul écueil notoire ses retrouvailles avec son propre fils qui échoue à lui faire reconnaître la monstruosité de ses actes. Dans le contexte de l’invasion de l’Ukraine par la Russie, cette autopsie d’un monstre trouve un écho troublant dans les propos de Vladimir Poutine justifiant sa guerre par un souci d’éradiquer un régime qualifié de nazi. Serebrennikov atteint là au summum de son art et signe un grand film à un moment-clé des rapports Est-Ouest en faisant tomber les masques. La disparition de Josef Mengele est un grand film nécessaire qui ne peut que nous interpeler tous par le malaise qu’il instaure en montrant les complicités dont ont bénéficié les bourreaux impunis de la part de leurs émules, quitte à leur transmettre l’héritage de la haine.
Jean-Philippe Guerand




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