Film d’animation français d’Ugo Bienvenu (2025), avec (voix) Swann Arlaud, Alma Jodorowsky, Margot Ringard Oldra, Oscar Tresanini, Vincent Macaigne, Louis Garrel, William Lebghil, Oxmo Puccino… 1h28. Sortie le 22 octobre 2025.
L’école française d’animation est décidément l’une des plus foisonnantes qui soient, ne serait-ce que par son incroyable diversité qui emprunte à tous les styles. Ugo Bienvenu s’impose ainsi comme un artiste total qui s’est déjà exprimé par la BD (son album “Préférence Système” lui a valu le grand prix de la critique à Angoulême en 2020), le graphisme et même la mode. Son premier film lui a valu cette année le Cristal du long métrage à Annecy dont il avait précédemment signé l’affiche en 2017. Arco est un visiteur d’une autre planète à la combinaison bariolée que recueille une gamine de 10 ans qui va l’aider à rentrer chez lui. La ressemblance de ce scénario situé en 2075 avec celui d’E.T. s’arrête là. Bienvenu a en effet grandi avec Dragonball Z et le cinéma d’Hayao Miyazaki. Son premier film est né de ses exigences et du soutien d’un tandem de productrices dont la comédienne Natalie Portman. Il est aussi le reflet de sa symbiose artistique avec son associé Félix de Givry et d’une passion partagée pour la culture pop. Sur le plan technique est un film de science-fction en 2D dessiné à la main où seules les têtes de personnages ont été réalisées en 3D. Ce futur n’est pourtant qu’un cadre, jamais une fin en soi destinée à imposer un univers dépaysant. Ugo Bienvenu œuvre dans une sorte de pointillisme poétique qui privilégie certains détails sans chercher à refaire le monde, ni au propre ni au figuré : les cours sont assurés par des robots et les parents sont des hologrammes, histoire de décrire un monde où l’illusion est en passe de se substituer à la réalité. Quitte à ménager une issue de secours et à se réfugier dans une grotte qui renvoie à l’aube de l’humanité, avec cette menace bien concrète du réchauffement climatique.
Arco a la particularité de s’être inventé au fil de sa gestation, grâce au souci d’indépendance financière qui a guidé ses concepteurs dans leur démarche créative et leur a permis de rester libres tout en bénéficiant de soutiens déterminants. La richesse du film repose à la fois sur son état d’esprit et son processus de réalisation affranchi des contraintes de rigueur. C’est un pur prototype engendré dans un univers qui s’appuie sur des règles, des normes et des process pour des raisons techniques et économiques qu’on croyait nécessairement draconiennes et intangibles. Or, Ugo Bienvenu a décidé de forger ses propres outils pour échapper à ces normes et à ces obligations, comme il avait déjà oser le faire en réalisant pour Marvel la mini-série “Ant-Man” en 2016, avec une équipe réduite et dans un laps de temps réduit et un lieu unique, contrairement à ce qu’avait cru pouvoir lui imposer son commanditaire. C’est sans doute cette liberté à tous les niveaux qui fait d’Arco une merveille atypique et une invitation au rêve d’une beauté folle. Avec en prime un dénouement qui a l’allure d’un nouveau départ. Comme si l’humanité avait décidé de se donner une seconde chance en repartant sur de meilleures bases et sans répéter ses erreurs et ses errements passés. Avec en prime une charge émotionnelle incroyable que peu de films d’animation sont parvenus à véhiculer en revendiquant une telle économie d’effets. On a déjà hâte découvrir le prochain film d’Ugo Bienvenu, tant celui-ci recèle de promesses, d’espoirs et de moments de grâce.
Jean-Philippe Guerand




Commentaires
Enregistrer un commentaire