Film américain de Kathryn Bigelow (2025), avec Idris Elba, Rebecca Ferguson, Greta Lee, Jared Harris, Gabriel Basso, Tracy Letts, Moses Ingram, Anthony Ramos, Jason Clarke, Willa Fitzgerald, Kaitlyn Dever, Renée Elise Goldsberry, Kyle Allen, Brian Tee, Aminah Tieves, Catherine Missal, Gbenka Akinnagbe, Yadira Guevara-Prip, Neal Bledsoe, Chance Kelly, Enid Graham, Maria Jung… 1h52. Mise en ligne sur Netflix le 24 octobre 2025.
Rebecca Ferguson
Première réalisatrice à décrocher l’Oscar de la mise en scène (et celui du meilleur film) pour Démineurs en 2010, Kathryn Bigelow est la preuve vivante que la notion de films de femmes est un leurre misogyne. Son cinéma déborde depuis toujours de testostérone et son nouveau film le confirme. Elle y met en scène le compte à rebours le plus angoissant qui soit : celui que déclenche les États-Unis lorsqu’ils détectent qu’un missile d’origine non identifiée se dirige vers leur territoire et doivent prendre les mesures nécessaires afin de l’intercepter pour éviter ce qui ressemble à une attaque nucléaire. Un sujet qui tombe à pic au moment où des conflits à haute intensité menacent d’embraser notre planète. A House of Dynamite décrit le processus méthodique qui se déclencherait dans des circonstances extrêmes, en s’inspirant peu ou prou de la structure escalatoire décrite au paroxysme de la Guerre froide dans Point limite (1964) de Sidney Lumet. Le film de Kathryn Bigelow décrit l’enchaînement qui se déclencherait en cas d’alerte atomique. En l’occurrence, la particularité du film est de décrire les représailles du Pentagone contre un missile d’origine incontrôlée et le déclenchement de toute la chaîne de commandement, jusqu’au locataire de la Maison Blanche, un président plus raisonnable que dans la réalité contemporaine qui agit avec mesure en tentant jusqu’au bout d’éviter une déflagration planétaire. Le film lui-même décrit ce processus dans son intégralité et s’achève par un immense point d’interrogation.
Idris Elba
A House of Dynamite repose sur l’opposition entre une mécanique de précision qui mène à l’irréparable et ce doute qui plane sur l’origine de ce missile ennemi dont personne ne parvient à déterminer l’origine exacte. En évitant ainsi de désigner un ennemi identifié, malgré des allusions à la Corée du Nord et à la Russie, Kathryn Bigelow accentue l’aspect universel de son film qui est ainsi transposable à des époques différentes et dans d’autres contextes géopolitiques, comme une sorte de procédure intemporelle et universelle qui exacerbe le patriotisme américain sans verser pour autant dans le nationalisme sectaire. La posture du film consiste à décrire les États-Unis en gendarme du monde et puissance protectrice des pays démocratiques. Un discours dont la ferveur percute la situation actuelle et ses conflits hautement abrasif qui risque de dégénérer à tout moment en embrasant le reste du monde. Le scénario du film est l’œuvre du journaliste devenu président de NBC News, Noah Oppenheim, déjà primé à la Mostra de Venise pour celui du biopic Jackie (2016). Il se caractérise par son observation clinique d’un protocole destiné à éviter rien moins que la fin du monde avec un réalisme méthodique. Il s’agit donc en quelque sorte du prologue d’un film catastrophe en devenir. Comme une gigantesque mise en garde dont on espère qu’elle ne se produira jamais, car dans le cas contraire on n’en verrait probablement jamais l’issue fatale. Cette maison pleine de dynamite ressemble en fait à une véritable descente aux enfers, mais il s’agit évidemment d’un aller simple de la part d’une cinéaste qui ne s’est jamais dérobée devant l’obstacle. Ce n’est pas du sang qui coule dans ses veines, mais plutôt de l’adrénaline.
Jean-Philippe Guerand




Commentaires
Enregistrer un commentaire