Film français d’Hélène Médigue (2025), avec Grégory Gadebois, Marie Gillain, Patrick Mille, Mathilde Labarthe, Vincent Elbaz, François Vincentelli, Marianne Basler, Hélène Médigue, Atmen Kelif, Vincent Winterhalter, Nicolas Briançon, Jack Claudany… 1h39. Sortie le 10 septembre 2025.
Marie Gillain et Grégory Gadebois
Filmer le handicap constitue toujours un cas de conscience en ce qui concerne les interprètes. Des films comme Le huitième jour de Jaco van Dormael, qui a valu un prix d’interprétation à Cannois à Pascal Duquesne, ou Un p’tit truc en plus d’Artus ont mis en scène des interprètes atteints de véritables pathologies, là où Dustin Hoffman et Daniel Day-Lewis ont obtenu l’Oscar du meilleur acteur pour Rain Man (1988) de Barry Levinson et My Left Foot (1989) de Jim Sheridan. Hélène Médigue a confié quant à elle à l’acteur tout-terrain Grégory Gadebois le rôle-titre d’Une place pour Pierrot, celui d’un quadragénaire autiste sur lequel veille sa sœur tant bien que mal depuis qu’elle a décidé de le retirer de l’établissement spécialisé dans lequel il s’étiolait. Jusqu’au jour où celle-ci ne parvient plus à concilier cette responsabilité écrasante avec ses obligations professionnelles. Sans même mentionner sa vie sentimentale sacrifiée pour protéger son frère d’un monde extérieur inadapté à sa condition. Dès lors, il s’agit de trouver une nouvelle structure où il ne se sente pas abandonné et où elle le sache en confiance et en bonne compagnie. Ce film chaleureux s’attache en fait à un aspect rarement évoqué : l’importance fondamentale de l’entourage et plus particulièrement de la famille pour les personnes victimes de handicap. Un rôle délicat que tient ici Marie Gillain sur le registre de la délicatesse et de la compassion. Ces deux vies sont liées à vie. Le scénario s’inspire de l’histoire vécue par la réalisatrice qui a d’ailleurs donné son propre prénom à son personnage féminin.
Sous son apparence d’étude de mœurs sociétale, Une place pour Pierrot aborde un thème rien moins que politique, en pointant du doigt le rôle fondamental de ceux qu’on qualifie d’aidants. Des gens comme les autres que la vie a assigné à assumer cette responsabilité et à l’intégrer au sein de leur quotidien, avec la charge mentale que cela suppose, sans pour autant bénéficier d’un véritable statut. Ces différentes problématiques, Hélène Médigue les parcourt avec suffisamment de subtilité pour éviter l’“effet catalogue”, en montrant à quel point elles peuvent interférer à tout moment sur le quotidien de ceux qui n’ont d’autre solution que de les assumer. Elle dispose en outre d’un atout de choix en la personne de Grégory Gadebois, acteur de composition surdoué dont la carrière est jalonnée de performances remarquables pas toujours reconnues à leur juste valeur. Son personnage de Pierrot s’inscrit ici dans le prolongement de celui qui l’a rendu célèbre dans l’adaptation théâtrale du roman de Daniel Keyes “Des fleurs pour Algernon” en apprenti-boulanger attardé mental. Il évite tous les effets et tient la note avec une justesse remarquable face à Marie Gillain en avocate sous pression, privilégiant toujours la chaleur et le sourire aux larmes et aux lamentations. La tonalité délibérément populaire qu’assume le film constitue par ailleurs un argument de poids pour sensibiliser le public le plus large possible à un problème de société face auquel les pouvoirs publics rechignent à prendre les mesures nécessaires. La réalisatrice a d’ailleurs créé sa propre association, comme bon nombre de parents concernés. Le cinéma sert parfois aussi à initier ce genre de croisades.
Jean-Philippe Guerand
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