One Battle After Another Film américain de Paul Thomas Anderson (2025), avec Leonardo di Caprio, Teyana Taylor, Sean Penn, Regina Hall, Benicio del Toro, Chase Infiniti, Alana Haim, Wood Harris, Shayna McHayle, John Hoogenakker, April Grace, Anthony Snow, Starletta DuPois, Jim Anderson, Paul Grimstad… 2h42. Sortie le 24 septembre 2025.
Leonardo di Caprio
Voilà un film qui a su se laisser désirer, quitte à prendre tous les risques : faire l’impasse sur Cannes, Venise et tous les autres festivals pour sortir précédé d’un silence assourdissant peu propice à la promotion qu’il mériterait. Pour comprendre cette stratégie à haut risque, il suffit de voir Une bataille après l’autre. Paul Thomas Anderson en a puisé l’inspiration dans le roman “Vineland” de Thomas Pynchon, auteur majeur dont “Vice caché” lui avait déjà inspiré Inherent Vice (2014). Il y met en scène la lutte d’un groupe d’anarchistes idéalistes qui prennent tous les risques pour libérer les clandestins parqués par la police américaine dans des centres de rétention. Un sujet qui trouve évidemment des échos évidents dans l’Amérique répressive de Donald Trump dont on entrevoit même le fameux mur frontalier du Mexique. Bien qu’il se déroule sur une double temporalité à seize années de distance, le film n’est pas daté précisément, ce qui le rend d’autant plus passionnant qu’il met en scène des justiciers soucieux de réparer les injustices de la société en prenant le maquis, d’authentiques révolutionnaires qui s’obstinent à croire en l’avènement du grand soir, alors qu’autour d’eux l’Amérique profonde manifeste de toutes autres préoccupations. En abordant ce sujet auquel il réfléchissait depuis vingt ans à ce moment précis de sa carrière, Paul Thomas Anderson signe évidemment là le plus politique de ses films, mais reste fidèle à sa conception si particulière du cinéma au lendemain de ce qui constituait son œuvre la plus intime, Licorice Pizza (2021). Quitte à employer les grands moyens pour formuler un discours politique subversif sous couvert d’évoquer la recherche d’une fille par son père qui réveille les démons de son passé militant en le confrontant à son ennemi de longue date.
Sean Penn
Une bataille après l’autre montre une image des États-Unis qu’on voit rarement dans des productions hollywoodiennes. C’est dire le risque commercial que représente cette épopée moderne dont l’enjeu majeur rien moins que civilisationnel revêt une ampleur d’autant plus considérable dans le cadre de l’ère Maga que certains y verront sans doute un acte de résistance authentique, au moment même où Donald Trump a déclaré la guerre à l’art, au savoir, à la culture et évidemment à ses moyens d’expression les plus populaires : la presse, la télévision et le cinéma. Le génie de Paul Thomas Anderson consiste à associer son propos à une forme éblouissante qui passe par toutes les composantes du cinéma. Avec en premier lieu un casting de rêve qui associe trois grands acteurs au sommet de leur art, Leonardo di Caprio en guerillero, Sean Penn lubrique et braque, le trop rare Benicio del Toro en sage, face à trois comédiennes nettement moins connues mais tout aussi époustouflantes, Regina Hall, Teyana Taylor et Chase Infiniti. Mais chez PTA, le cinéma est au détour du moindre plan, à commencer par une poursuite automobile sur des routes en forme de montagnes russes qui renvoie aux plus grandes heures du cinéma américain, plutôt Bullitt (1968) que French Connection (1971) par son sens du découpage. Bien qu’elle se déroule à une époque distincte de la nôtre, cette épopée d’une poignée de militants idéalistes résonne évidemment en écho à notre époque et risque bien en tant que tel d’essuyer le feu nourri des réactionnaires tout-puissants qui y verront un film “gauchiste” à bien des égards parce qu’il ose militer en faveur des acquis menacés de la démocratie. C’est tel quel un film passionnant qui contribue à décrypter les enjeux actuels d’un pays habitué à dicter sa loi et à imposer ses modèles. Le premier bras de fer déclaré d’Hollywood avec Donald Trump qui avait affirmé son intention de le mettre au pas. Sa destinée commerciale permettra de juger de l’état véritable de l’opinion publique.
Jean-Philippe Guerand
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