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“Put Your Soul on Your Hand and Walk” de Sepideh Farsi



Documentaire franco-palestino-iranien de Sepideh Farsi (2025), avec Fatma Hassona, Sepideh Farsi… 1h50. Sortie le 24 septembre 2025.



Fatma Hassona



Connue jusqu’alors pour des chroniques intimistes réalisées avec une remarquable économie de moyens, la cinéaste iranienne en exil Sepideh Farsi signe un documentaire dont l’actualité s’est d’ores et déjà chargée de faire un classique. Dans l’incapacité de se rendre dans la bande de Gaza, la réalisatrice a décidé de contacter une jeune Palestinienne avec laquelle elle a entretenu une véritable correspondance en visio afin de recueillir son témoignage de l’intérieur et pouvoir rendre compte de la vie quotidienne dans cette enclave assiégée où les conditions de survie n’ont cessé de se dégrader au fil des mois. Au printemps dernier, le film a été sélectionné dans le cadre de la section cannoise de l’Association du cinéma indépendant pour sa diffusion (Acid). Simultanément, le 16 avril 2025, alors qu’elle voulait encore croire à un avenir possible au beau milieu du champ de ruines qu’elle documentait sans relâche, Fatma Hassona est morte dans le bombardement de son immeuble par l’armée israélienne, donnant malgré elle au film présenté au Festival de Cannes une puissance tragique indissociable de son destin personnel. D’un coup, cette voix d’outre-tombe résonnait autrement parce qu’elle s’était tue à jamais. D’autant plus que cette jeune femme manifeste dans chacune de ses interventions un enthousiasme paradoxal. Loin de se lamenter ou de se résigner à son enfermement dans cette prison à ciel ouvert, elle s’obstine à sourire et à espérer. Jusqu’au moment où le pire se produit. Put Your Soul on Your Hand and Walk est un témoignage unique sur la mort en direct qui met des images et des mots sur une situation dont les journalistes occidentaux ne sont pas autorisés à témoigner, Israël ayant inventé la guerre en huis clos.



Fatma Hassona



De ce dialogue cinématographique d’une intensité dramatique hors du commun, on retiendra avant tout le sourire incroyable d’une jeune femme rayonnante qui s’obstine à croire au bonheur, alors qu’elle subit au quotidien un calvaire documenté avec précision. La caméra reste en permanence accrochée à son visage. Comme s’il était le reflet d’un hors-champ dont les journaux d’actualité nous ont fourni quelques signes extérieurs dûment filtrés par la censure, celle d’Israël comme celle du Hamas. La prouesse de Sepideh Farsi a consisté à utiliser les ressources d’Internet afin de tisser une relation hors du commun avec une personnalité hors du commun dont le dénouement se chargera de transformer la vie en destin après l’achèvement de ce projet atypique. Pour reprendre le titre d’un des films les plus méconnus de Bertrand Tavernier, c’est la mort en direct qui hante ce témoignage inestimable arraché à l’oubli. En imposant un blocus médiatique total, et en éliminant des quantités de journalistes dépossédés de leur statut de correspondants de guerre, sous prétexte que certains d’entre eux seraient en fait des militants du Hamas, dans une alliance criminelle tacite, Tsahal est parvenue à empêcher le monde entier de voir donc de savoir ce qui se passe exactement dans l’enclave palestinienne martyrisée et isolée par les bourreaux sanguinaires du 7 octobre 2023 qui sacrifient la population palestinienne à une cause terroriste en l’utilisant comme bouclier humain. Le plus grand mérite de ce film est de pratiquer une légère entaille dans ce voile de silence pour nous exposer la force de résilience prodigieuse d’une jeune femme lumineuse devenue malgré elle une martyre, Fatma Hassona. Son rayonnement hors du commun nous hantera à jamais car il donne un visage à un peuple condamné à l’abattoir et plus encore à l’oubli…

Jean-Philippe Guerand






Fatma Hassona

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