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“Panopticon” de George Sikharulidze



Panoptikoni Film géorgo-franco-italo-roumain de George Sikharulidze (2024), avec Malkhaz Abuladze, Data Chachua, Salome Gelenidze, Maia Gelovani, Levan Gabrava, Salome Gelenidze, Andro Japaridze, Vakhtang Kedeladze, Paata Kvlividze, Beka Lemonjava, Marita Meskhoradze, Eka Mzhavanadze, Temo Rekhviashvili… 1h35. Sortie le 24 septembre 2025.



Salome Gelenidze et Data Chachua



Du cinéma géorgien, on connaît essentiellement l’humour et la poésie de son regretté maître, Otar Iosseliani, devenu français pour pouvoir continuer à tourner, lequel a essaimé malgré lui maints disciples dans les plus grands festivals internationaux sans toujours trouver pour autant des débouchés commerciaux sur nos écrans. George Sikharulidze signe avec Panopticon un premier long métrage qui se détache de cette influence pour dresser le portrait d’un garçon introverti qui doit faire face en pleine adolescence à la crise de foi de son propre père devenu moine orthodoxe. Un sujet singulier dans lequel le cinéaste a intégré de nombreux fragments de son vécu, tout en situant délibérément l’action du film en 2020 pour des raisons inhérentes à la situation de la Géorgie, déchirée entre l’Europe occidentale et la Russie. Dès lors, les états d’âme de ce jeune homme revêtent une portée singulière en s’accompagnant d’une crise identitaire plus vaste. Le film pointe d’ailleurs un phénomène de société surprenant : l’affirmation de l’identité des femmes géorgiennes dont bon nombre n’ont pas hésité à émigrer pour pouvoir subvenir aux besoins de leur famille, là où les hommes démissionnaient totalement de leurs responsabilités. C’est aussi cette défaillance paternelle que pointe Panopticon sur le registre du film d’apprentissage en montrant son personnage en quête de substituts parentaux pour l’aider à accéder à l’âge adulte et d’achever en quelque sorte sa mue.


Data Chachua



Le titre sibyllin du film fait référence au panoptique, ce dispositif d’observation carcérale utopiste conçu par le philosophe britannique Jeremy Bentham au XVIIIe siècle dans lequel une tour centrale permettait de surveiller en permanence les prisonniers répartis dans des cellules disposées en cercle et persuadés d’être observés en permanence. George Sikharulidze assigne ici un pouvoir invisible comparable à la religion par l’intermédiaire du père et se réfère directement aux enseignements du livre de Michel Foucault “Surveiller et punir” dont il décale à dessein la réflexion de son contexte initial. Ce film foisonnant propose également une réflexion passionnante sur les rapports au corps d’un adolescent confronté tout d’un coup à la sexualité, au besoin de séduire et à un rituel amoureux dont il maîtrise encore mal les règles. Il est par ailleurs victime de ses préjugés et classe sommairement les femmes en trois catégories dans un élan de misogynie immature : la mère, la sainte et la prostituée. Or, le film ne cesse de tordre le cou à cette idée reçue que s’obstinent volontiers à perpétuer certains archétypes cinématographiques. C’est même précisément ce qui lui confère tout son intérêt. Entre la première et la dernière image qui se répondent directement, il y a la prise de conscience de son protagoniste enrichi par ses rencontres. Et mon tout est un homme d’aujourd’hui né dans un pays d’hier.

Jean-Philippe Guerand



Data Chachua

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