Film français de Pauline Loquès (2025), avec Théodore Pellerin, William Lebghil, Salomé Dewaels, Jeanne Balibar, Camille Rutherford, Estelle Meyer, Victoire du Bois, Balthazar Billaud, Mathieu Amalric, Nahéma Ricci, Alexandre Desrousseaux, Lola Felouzis, Maël Besnard, Lison Daniel… 1h36. Sortie le 17 septembre 2025.
Salomé Dewaels
Un jeune homme apprend qu’il est atteint d’un cancer de la gorge. Dès lors, pendant les quatre jours qui précèdent le début de son traitement, il décide de vivre à cent à l’heure et de se mettre en règle avec ces choses de la vie qu’il a remises à plus tard ou carrément refusé d’affronter jusqu’alors. Le premier long métrage de Pauline Loquès évoque le compte à rebours mis en scène par Agnès Varda dans Cléo de 5 à 7 (1962) où Corinne Marchand vivait en temps réel l’attente de résultats médicaux en redoutant l’annonce d’un cancer. Ce sentiment d’urgence, Nino l’expérimente à un âge de la vie où il n’est pas tout à fait sorti de l’adolescence, mais pas non plus vraiment adulte. Alors il a du mal à gérer cette situation qui le contraint à prendre sur lui pour se comporter comme si de rien n’était, tout en ayant besoin de réconfort et de se confier à ses proches, mais en rechignant à s’engager dans de nouvelles rencontres qu’il est le seul à savoir dénuées de toute certitude de lendemain. Le film épuise son postulat de départ avec une rare intelligence et capte ces détails minuscules auxquels on a parfois tendance à accorder une importance excessive, quitte à négliger pour cela des enjeux qui eussent été prioritaires dans un autre contexte. C’est tout le talent de Pauline Loquès de saisir ces moments magiques pour nourrir un personnage qui paraît constamment en suspension ou au moins à l’écart de ce qui se passe autour de lui, parce qu’il a décidé de s’abstraire du monde. Comme pour éviter d’avoir à le regretter.
Théodore Pellerin
Présent dans chaque scène, Théodore Pellerin se révèle éblouissant dans un rôle à facettes comme en rêvent tous les comédiens, face à des partenaires qui ne sont jamais des faire-valoir, mais auxquels Nino impose son tempo malgré lui. La réalisatrice choisit quant à elle de se mettre au service de cet interprète omniprésent et d’un scénario vissé sans être contraignant. À l’arrivée, ce film révélé par la Semaine de la critique y a valu à son interprète québécois le Prix de la Fondation Louis Roederer du meilleur espoir. Il faut dire que son sourire est indissociable de l’empathie immédiate qu’on ressent pour ce jeune homme contraint de se mettre en paix avec lui-même, faute de savoir de quoi demain sera fait, face à des proches qui ne savent pas toujours comment réagir ou n’essaient même pas. Ce laps de temps déterminé est un moment d’immense incertitude et en même temps de grande solitude, faute de pouvoir partager avec les autres une angoisse ô combien intime. Qui plus est, Nino ayant perdu ses clés, il est condamné à errer hors de chez lui, ce qui ne fait qu’ajouter à son trouble. Il vit donc cette période flottante comme dans un rêve, en transportant avec lui un petit récipient destiné à recueillir son sperme, c’est-à-dire symboliquement une promesse de pouvoir se reproduire un jour. Qu’il se trouve confronté au personnage de mère castratrice qu’incarne Jeanne Balibar en virtuose, à son inséparable copain qu’incarne William Lebghil dans un registre qui est devenu pour lui une véritable seconde nature au cinéma, ou aux trois visages féminins qu’incarnent Salomé Dewaels, Camille Rutherford et Estelle Meyer, c’est toujours avec la même bienveillance. Comme s’il s’agissait d’une vertu communicative… C’est sans doute ce qui donne son charme insidieux à cette errance générationnelle.
Jean-Philippe Guerand
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