Film français de Diane Kurys (2025), avec Roschdy Zem, Marina Foïs, Thierry de Peretti, Vincent Colombe, Pauline Cassan, Xavier Robic, Raphaëlle Rousseau, Cécile Brune, Sébastien Pouderoux, Leonor Oberson, Timothée de Fombelle, Yuval Rozman, Nicolas Grandhomme, Marine Arena… 1h58. Sortie le 1er octobre 2025.
Roschdy Zem
Le biopic est un art infiniment délicat. Plus encore quand il prend pour cadre un haut lieu du paraître car il s’expose alors à la comparaison entre les personnages du réel et leurs doubles à l’écran. La ressemblance entre l’artiste et son modèle n’est toutefois en aucun cas une obligation impérative. Dans Le promeneur du Champ de Mars (2005) de Robert Guédiguian, par exemple, le choix de Michel Bouquet pour incarner François Mitterrand reposait délibérément sur la composition de l’acteur qui ne faisait qu’une bouchée de son rôle, grâce sa capacité éprouvée à incarner des êtres duplices souvent exploitée dans le passé par Claude Chabrol. C’est aussi le parti pris qu’a adopté Diane Kurys en décidant de raconter l’une des histoires d’amour les plus romanesques du cinéma français, celle qui a lié pour le meilleur comme pour le pire Simone Signoret et Yves Montand pendant plus de trois décennies. Un parcours ponctué de prises de position politiques radicales, d’une complicité idéaliste à toute épreuve, de quelques films en commun et surtout d’une union qui a valu au couple d’être à l’avant-garde de tous les combats… quitte à se tromper comme tant d’intellectuels, notamment vis-à-vis de l’Union soviétique. Un scénario de roman-photo inextricablement lié à un engagement sincère et largement médiatisé. Il fallait pour incarner ces deux personnalités des interprètes à leur démesure. Diane Kurys et sa coscénariste Martine Moriconi, déjà associées sur Sagan (2008), ont passé un temps considérable à s’imprégner des images et des propos de ces personnalités engagés, mais se sont bien gardés de recruter des sosies pour les incarner, en leur préférant des acteurs capables de se mettre dans leur peau. En l’occurrence Marina Foïs et Roschdy Zem.
Marina Foïs
Loin de chercher à dépeindre un couple parfait menant une existence idyllique, Diane Kurys s’attache à dépeindre l’union de deux natures que rien ne destinait à se rencontrer : un fils d’immigrés italiens d’origine modeste devenu le chanteur à la mode de l’Après-Guerre et une enfant terrible de la bourgeoisie mariée à un réalisateur de renom. Avec en son cœur un écart de conduite qui pèsera lourd : la liaison de Montand avec Marilyn sur le tournage du Milliardaire (1960) de George Cukor dont Signoret arborera physiquement les stigmates en vieillissant prématurément et en incarnant dès lors des personnages souvent plus âgés qu’elle, comme dans Le chat (1971) de Pierre Granier-Deferre où elle est l’épouse d’un Jean Gabin de dix-sept ans son aîné. Moi qui t’aimais adopte le point de vue de l’actrice et s’y tient, même si c’est elle qui encaisse tous les coups, y compris les plus bas, de cette union à deux vitesses. C’est la chronique d’une femme qui souffre et s’étiole, pendant que son compagnon parade et fanfaronne comme le matamore méditerranéen qu’il est. Le cinéma y est moins présent par les tournages qui occupaient une place significative dans leur vie conjugale que par leur réseau de relations et cet épicentre bouillonnant de la vie mondaine et intellectuelle d’Après-Guerre que fut leur maison de campagne d’Autheuil pendant deux décennies de convivialité partagée, tandis que leur Roulotte abritait leurs confrontations les plus intimes.
Roschdy Zem et Marina Foïs
Autant Marina Foïs est une incarnation saisissante de Simone Signoret, autant le toujours sobre Roschdy Zem force pour une fois un peu trop son jeu, accent italien à l’appui, malgré des efforts louables, dans un portrait d’Yves Montand en faux naïf imbu de lui-même qui en vient à manifester parfois de faux airs de… Salvatore Adamo. Autour d’eux, en dépit du talent de Thierry de Peretti en Serge Reggiani et de Vincent Colombe en François Périer, chacune de leur apparition ou presque s’accompagne d’une déclinaison répétée de leur identité qui atteste du fait que leur ressemblance reste trop approximative et nécessite cet artifice, pour ne pas citer Raphaëlle Rousseau en Catherine Allégret, Timothée de Fombelle en Jean-Louis Trintignant, Sébastien Pouderoux en Alain Corneau ou Nicolas Grandhomme en Claude Sautet. Ce name dropping répété qui reflète toutefois une façon de vivre en cercle fermé est la plus insigne faiblesse de ce film qui se garde toutefois de flatter ses icônes et les dépeint comme les enfants terribles d’une ère de grande confusion idéologique où les artistes avaient encore le mérite de s’engager en faveur de causes qu’ils croyaient justes. Quitte à se tromper parfois et à en payer les conséquences. On en est bien loin aujourd’hui.
Jean-Philippe Guerand
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