Film d’animation canado-français de Félix Dufour-Laperrière (2025), avec (voix) Zeneb Blanchet, Karelle Tremblay, Mattis Savard-Verhoeven, Barbara Ulrich, Irène Dufour, Françoise L., Marie B., Félix Dufour-Laperrière… 1h12. Sortie le 1er octobre 2025.
L’animation est devenue au fil du temps une véritable boîte à outils dont le rayonnement n’a cessé de s’étendre en offrant aux créateurs de nouveaux moyens d’expression et en rendant possibles pour un coût modique des séquences qui se seraient avérées prohibitives dans le cadre du cinéma traditionnel. Avec un fort potentiel poétique en plus. Réputée pour une ligne éditoriale qui revendique sa différence, la société UFO poursuit avec La mort n’existe pas son incursion dans le cinéma d’animation un an après le triomphe mémorable de Flow du Letton Gints Zilbalodis. Le réalisateur est cette fois québécois. Il prend pour protagonistes deux jeunes femmes altermondialistes qui, à la suite de l’attaque d’un château qui a incité l’une d’entre à prendre la fuite, se voient offrir une chance de choisir entre la lutte armée qu’elles ont menée et une inaction qui semble condamner la société à sa perte. Une réflexion politique aiguë sur l’utopie, ses mirages et ses dangers qui passe par un traitement assez épuré et une symbolique très forte. Formellement, ce film sélectionné cette année à la Quinzaine des cinéastes respecte une charte graphique proche de la bande dessinée au rythme atypique de douze images par seconde qui passe par des aplats pastels bichromes et trichromes, mais aussi l’usage systématique d’un trait particulièrement fin. Le tout au service d’une question épineuse : si c’était à refaire, leur choix serait-il identique ?
La nature se trouve ici en osmose profonde avec les personnages qui semblent l’absorber dans une sorte de fusion symbolique propice au sauvetage de ce qui peut l’être de la planète en récompensant les écoterroristes pour leur implication déterminante et surtout pour leur rôle de lanceurs d’alerte. La mort n’existe pas (titre infiniment provocateur en soi) s’appuie sur des images saisissantes : une nature qui reprend ses droits et des loups déguisés en agneaux au-delà du bien et du mal. Avec à l’appui une puissance assumée de l’imagination. S’il fallait trouver un défaut à ce film engagé, il s’agirait probablement de l’accent québécois prononcé de ses interprètes dont l’effet le plus immédiat est d’atténuer un peu sa portée pourtant universelle. Le scénario ressemble quant à lui à une équation à deux inconnues qui met constamment en regard des hypothèses contradictoires. Il pose ainsi le plus simplement du monde la question de l’engagement et renvoie à la philosophie de certains groupuscules terroristes des années 70 qui se sont unis à partir d’une certaine conception de l’idéalisme avant de se perdre dans la folie criminelle. La singularité du quatrième film de Félix Dufour-Laperrière consiste précisément à leur donner une seconde chance en les confrontant aux conséquences de leurs actes et à utiliser les diverses espèces animales pour faire passer des idées. Un concept philosophique qui passe ici par une remise en cause de la légitimité en profondeur de la lutte armée, face à la puissance considérable de l’ordre établi qui dispose de forces à peu près inépuisables et excelle dans l’art de transformer ses victimes en martyrs pour dénigrer ces guerilleros qui cherchent sa perte. Le film a le mérite de laisser le spectateur s’emparer de certains de ses thèmes sans jamais lui imposer sa propre grille de lecture. C’est suffisamment rare pour mériter d’être signalé.
Jean-Philippe Guerand
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