8-ban deguchi Film japonais de Genki Kawamura (2025), avec Kazunari Ninomiya, Yamato Kochi, Naru Asanuma, Nana Komatsu, Kotone Hanase… 1h35. Sortie le 3 septembre 2025.
Yamato Kochi et Kazunari Ninomiya
Les adaptations de jeux vidéo connaissent des destins cinématographiques pour le moins variables. Là où Lara Croft, Mortal Kombat, Resident Evil, Sonic et Super Mario ont arrondi les profits de leurs producteurs, les concepts plus abstraits ont parfois peiné à convaincre, faute de scénarios suffisamment articulés et de rebondissements dignes de ce nom. Reste que le triomphe récent de Minecraft, le film a démontré que la notoriété suffit parfois à faire courir les foules, alors même que le narratif reste assez abscons. Exit 8 constitue dans ce domaine un véritable cas d’école en déclinant à l’envi un concept absurde et répétitif qu’on peut classer grossièrement dans la catégorie des jeux en boucle infinie dont le principe consiste à s’en sortir en repérant des anomalies parfois infimes qui sont un peu comme les cailloux blancs du Petit Poucet. Un voyageur sort d’une rame de métro dont on imagine qu’il l’emprunte tous les jours et se dirige mécaniquement vers la sortie de la station. Mais ce jour-là, la routine a décidé de le prendre au piège, jusqu’à tourner en rond, répéter les mêmes gestes et se retrouver toujours au même endroit, sans réussir à atteindre la fameuse sortie n°8. Le film ressemble un peu aux fameux livres de la collection “Où est Charlie ?” où il s’agit de repérer le bonnet rouge de ce personnage à lunettes parmi des foules considérables. Là, le citadin arpente inlassablement les mêmes couloirs aux murs carrelés de blanc, passe devant des affiches dont il finit par scruter le moindre détail et croise un homme qui marche comme un robot en arborant un sourire quelque peu agaçant. Surtout quand on est égaré. Ce mécanisme peut agacer. C’est même sans doute sa caractéristique principale assumée. Reste que le film réussit à intriguer par son minimalisme mêlé à un véritable art de la répétition.
Kazunari Ninomiya
Exit 8 est avant tout une expérience pour le spectateur réduit à une passivité de principe, contrairement aux joueurs qui se sont frottés à ce défi. Paradoxalement, le cinéma démontre ici son infériorité par rapport aux jeux vidéo en raison même de son absence d’interaction. Le réalisateur nous inflige sa propre interprétation du jeu en l’adaptant aux contingences d’un film, ne serait-ce que parce qu’il joue de l’échelle des plans, de la profondeur de champ, des bruits et surtout du montage qui nous impose une vision qui est celle du protagoniste, sans que le spectateur puisse évidemment interagir sur ses choix comme le pourrait le faire un joueur armé d’une souris, d’une manette, d’un joystick, d’un clavier et surtout de son libre-arbitre. La progression même du piéton est quant à elle le fait d’un scénario voire d’un story-board et ne correspond à aucune logique. Au point qu’au bout d’une heure vingt, sa progression ne s’accélère pas pour une raison précise, mais simplement parce que sa déambulation s’inscrit dans le cadre de la durée immuable du film. Contrairement à certains thrillers conceptuels dont la structure se calait sur des Escape Games dont le principe même consistait à passer d’une pièce à l’autre pour se libérer selon un ordre établi, et où l’on en arrivait à accepter d’être manipulé, il n’y a ici pas la moindre logique donc aucun suspense digne de ce nom au sens cinématographique de ce terme, sinon des indices indéchiffrables qui ne mènent nulle part. Du coup, lorsque le générique de fin s’inscrit sur l’écran, on éprouve le sentiment paradoxal d’avoir été aspiré par un vide abyssal.
Jean-Philippe Guerand
Commentaires
Enregistrer un commentaire