El cautivo Film hispano-italien d’Alejandro Amenábar (2025), avec Julio Peña Fernández, Alessandro Borghi, Miguel Rellán, Fernando Tejero, Luis Callejo, José Manuel Poga, Roberto Álamo, Albert Salazar, Juanma Muniagurriá, César Sarachu, Jorge Asin, Mohamed Said Salem, Walid Charaf, Luna Berroa… 2h14. Sortie le 1er octobre 2025.
Julio Peña Fernández
Certains écrivains en viennent à se résumer à l’un ou l’autre de leurs personnages aux yeux de la postérité. Ainsi connaît-on essentiellement de Miguel de Cervantès son œuvre majeure, “Don Quichotte de la Mancha”, l’une des plus traduites au monde, publiée entre 1605 et 1615. Un roman qui a notamment attiré des cinéastes tels que Georg Wilhelm Pabst, Grigori Kozintsev, Orson Welles, Albert Serra (Honor de cavalleria, 2006) et Terry Gilliam (L’homme qui tua Don Quichotte, 2018). Alejandro Amenábar choisit quant à lui de s’intéresser à son auteur à travers les cinq années au cours desquelles il s’est retrouvé prisonnier du pacha d’Alger, période dont il a rendu compte dans plusieurs récits autobiographiques. Le film en reprend les grandes lignes et dépeint l’écrivain suscitant l’enchantement de ses compagnons d’infortune par son seul talent de conteur. De ce sujet qui aurait pu donner lieu à un film statique, le réalisateur tire une fresque contemplative mais non dépourvue d’un certain panache, grâce à l’imagination de Cervantès qu’il met au service de ses plans d’évasion. Cette période, c’est aussi celle au cours de laquelle le combattant blessé lors de la bataille de Lépante va prendre confiance en lui et emmagasiner une expérience précieuse qui nourrira par la suite son inspiration. Les scènes les plus inspirées du film ne sont en revanche aucunement celles au cours desquelles le futur écrivain traverse un paysage parsemé de moulins à vent ou croise des religieux de l’ordre des Trinitaires chargés de racheter les chrétiens captifs des musulmans dont l’apparence évoque irrésistiblement Don Quichotte et son serviteur Sancho Pança. Amenábar se complaît là dans une sorte de représentation pour les nuls dont il aurait pu s’abstenir.
Comme son titre le souligne, Cervantès avant Don Quichotte établit des passerelles entre le vécu de l’homme et la gestation de son œuvre. Il émet également une hypothèse sur la sexualité de Cervantès dont le penchant pour les hommes pourrait expliquer qu’il n’ait eu à subir aucune des peines et des châtiments qu’auraient dû lui valoir ses tentatives d’évasion. L’une des particularités d’Amenábar est de composer lui-même la bande originale de ses films. Il en fait en outre ici un usage abondant en entrecroisant quatre thèmes musicaux associés chacun à un personnage. L’une des plus belles réussites du film repose sur l’incarnation que propose Julio Peña Fernández de cet écrivain en jeune homme que l’écrivain Olivier Weber a par ailleurs évoqué dans son roman “Le Barbaresque” (Flammarion, 2011). C’est dire combien le réalisateur laisse vagabonder à loisir son imagination à travers les zones d’ombre de l’écrivain et le dépeint en aventurier picaresque, bien loin de l’image qu’on peut en avoir d’après son chef d’œuvre dont la première partie n’a tout de même été publiée qu’un quart de siècle plus tard donc par un homme nettement plus avancé dans l’existence. Ce film élégant et stylé constitue une alternative séduisante aux biopics traditionnels en s’efforçant de montrer l’écrivain en jeune homme fougueux qui se plaît déjà à raconter des histoires et a compris combien stimuler l’imagination de ses pairs est de nature à la fois à leur rendre confiance alors qu’ils sont privés de liberté, mais aussi de les encourager à s’évader par la pensée. Telle est la morale de cette chronique qui préfère au bruit et à la fureur la force de l’évocation.
Jean-Philippe Guerand
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