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“L’épreuve du feu” d’Aurélien Peyre



Film français d’Aurélien Peyre (2025), avec Félix Lefebvre, Anja Verderosa, Suzanne Jouannet, Victor Bonnel, Sarah Henochsberg, Nolan Masraf, Marie Bucas-Français, Jules Poirier, Aurélien Vacher… 1h45. Sortie le 13 août 2025.



Anja Verderosa et Félix Lefebvre



Un garçon débarque comme chaque été dans sa petite maison de famille nichée sur une île de la côte Atlantique en compagnie de sa nouvelle petite amie qu’il est fier de pouvoir présenter à ses amis d’enfance, pour la plupart étudiants. Le contraste se révèle toutefois saisissant entre ce jeune adulte plutôt discret et sa conquête aux tenues tapageuses qui assume son désir de séduire et de se faire remarquer, mais dit toujours ce qu’elle pense avec une franchise déconcertante qui confine parfois à la maladresse. L’irruption de cette esthéticienne extravertie fait d’autant plus sensation dans cette station balnéaire que tout le monde apprécie son compagnon qui a visiblement lui-même pris une nouvelle assurance à son contact. Avec L’épreuve du feu, qui est le prolongement logique de son moyen métrage Coqueluche (2018), Aurélien Peyre a décidé de développer un thème rarement abordé au cinéma : ce phénomène qui veut que certaines personnes rompent avec une partie de leur entourage lorsqu’il leur arrive d’effectuer des choix que réprouve ouvertement leur cercle rapproché. Comme si la puissance d’un groupe s’avérait de nature à influer sur les décisions d’un individu. L’épreuve du feu commence par décrire les tourtereaux dans leur intimité pour mieux pointer leurs différences sociales et intellectuelles. On comprend très vite combien le garçon tout juste sorti de l’adolescence est fier d’avoir réussi à séduire cette jolie fille qui attire le regard et soigne son look à cet effet, sans craindre de choquer par ses ongles interminables et ses tenues extravagantes. En revanche, on le découvre à travers leur intimité, elle ne triche jamais avec les sentiments, utilise des expressions qui n’appartiennent qu’à elle, idolâtre sa grand-mère et semble croire au grand amour à une époque écrasée sous le poids conjugué du cynisme et des désillusions.



Anja Verderosa et Félix Lefebvre



Queen perpétue une longue tradition de femmes fatales qui cachent derrière leurs courbes avantageuses et leurs poses étudiées une nature complexe sinon un manque d’assurance plutôt attendrissant. Elle appartient à la famille des personnages campés par Brigitte Bardot dans Et Dieu créa la femme (1956) voire tout récemment Malou Khebizi dans Diamant brut (2024) et ces innombrables influenceuses des réseaux sociaux qui n’existent qu’à travers le regard des autres et la valeur suprême qu’elles accordent au paraître. Hugo, quant à lui, est l’archétype d’un jeune homme comme les autres qui a grandi dans l’ombre de ses copains et se trouve brusquement projeté au centre d’un jeu dont il ne maîtrise pas tous les codes. Il apparaît constamment déchiré entre les responsabilités de protecteur chevaleresque qu’implique son statut d’amant et les assauts répétés de ses amis de toujours que les circonstances amènent à dévoiler leurs plus bas instincts, quitte à taper parfois plus bas que la ceinture. Le film repose en outre pour une bonne part sur le couple singulier que forment Félix Lefebvre, que son sourire d’ange prédispose aux emplois de personnages plus jeunes que son âge, et la véritable révélation du film, Anja Verderosa, qui défend avec beaucoup de conviction cette cagole brut de décoffrage jetée dans la fosse aux lions et acculée à se défendre en baissant la garde, face à des étudiants veules et méprisables. La satire sociale est à ce prix, mais elle fonctionne.

Jean-Philippe Guerand





Anja Verderosa

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