The Last Stop in Yuma County Film américain de Francis Galluppi (2023), avec Jim Cummings, Faizon Love, Jocelin Donahue, Michael Abbott Jr., Richard Brake, Nicholas Logan, Gene Jones, Robin Bartlett, Sierra McCormick, Connor Paolo, Ryan Masson, Alex Essoe, Sam Huntington, Jon Proudstar, Barbara Crampton… 1h30. Sortie le 6 août 2025.
Jocelin Donahue et Jim Cummings
Le cinéma reste l’un des derniers moyens d’expression artistique à perpétuer la mythologie américaine à travers ces bourgades devenues l’épicentre des westerns avec leur saloon, leur justice expéditive et la fameuse loi de Lynch. À plus d’un siècle de distance, le paysage n’a pas beaucoup changé comme le prouvait récemment encore Ari Aster dans Eddington. Last Stop, Yuma County en propose une variante encore plus pittoresque où quelques citoyens plus déjantés les uns que les autres doivent faire face à l’irruption d’un tandem de malfrats venus en découdre. Les cuves de la station-service étant vides, les automobilistes patientent dans le diner voisin devenu le dernier lieu où l’on cause, dans l’attente du camion-citerne providentiel qui leur permettra de quitter de ce trou et de poursuivre leur route. De cette variation autour de la fameuse règle des trois unités, naît un polar narquois et décalé qui propose un joyeux jeu de massacre en forme de fantasia chez les ploucs. La mise en scène affiche par ailleurs une ambition qui passe notamment par un usage créatif de l’écran large et une palette de couleurs qui renvoie à une école picturale sudiste peu connue en France. Face à cette relecture du polar, la tentation est grande d’invoquer l’influence des frères Coen ou de Quentin Tarantino, notamment à travers True Romance de Tony Scott dont il a écrit le scénario. Le film s’inscrit aussi dans la veine plus discrète d’un cinéma indépendant qui connaît ses classiques, mais assume de les relire pour les corriger, en les inscrivant dans une Amérique éternelle statufiée par le cinéma comme le double à peine déformé d’une réalité à la fois moins glamour et plus prosaïque.
Jim Cummings
Le cadre choisi est celui du désert de l’Arizona qui a servi de décor à tant de westerns et de films noirs. Le principe du portrait de groupe permet ici au réalisateur de composer une galerie pittoresque d’où émergent de fortes personnalités dont la plupart se révèlent dans toute leur duplicité. C’est la loi du genre, mais aussi la règle d’un jeu dangereux qui révèle petit à petit la véritable nature d’un ramassis de laissés-pour-compte et montre l’étendue de la bêtise humaine quand elle se trouve concentrée dans un même lieu. À l’instar du représentant en coutellerie campé par l’acteur-réalisateur Jim Cummings (The Beta Test), toujours imprévisible à souhait. Le réalisateur revendique notamment ses références à Tuez Charley Varrick ! (1973) de Don Siegel et surtout à La corde (1948), au point de pousser la coquetterie jusqu’à donner à deux de ses protagonistes les mêmes noms de famille que les personnages campés par James Stewart et Dick Hogan chez Alfred Hitchcock, ainsi que l’attestent les badges qu’ils arborent. C’est dire à quel point Francis Galluppi assume ce qu’il doit à ses maîtres et nourrit son premier long métrage couronné du prix du public au festival Reims Polar de clins d’œil. Un exercice de style qu’on peut classer dans la catégorie des comédies noires par son nihilisme et les relations parfois cahotiques qui s’instaurent entre des personnages acculés à se révéler dans toute leur vérité, ne serait-ce que parce qu’ils n’ont aucune certitude de sortir vivants de cette situation et ne pensent pour la plupart qu’à sauver leur peau. L’exercice de style est suffisamment raffiné pour se révéler jubilatoire.
Jean-Philippe Guerand
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