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“En boucle” de Junta Yamaguchi



Ribâ, nagarenaide yo Film japonais de Junta Yamaguchi (2023), avec Riko Fujitani, Manami Honjô, Gôta Ishida, Yoshimasa Kondo, Kazunari Tosa, Yumi Torigoe, Munemori Nagano, Takashi Sumita, Yoshifumi Sakai, Haruki Nakagawa, Kohei Morooka, Masahiro Kuroki, Saori, Shiori Kubo… 1h26. Sortie le 13 août 2025.



Shiori Kubo



Dans une auberge montagnarde, un écrivain se débat face au vertige de la page blanche sous la pression de son éditeur, deux amateurs de bonne chère partagent un repas copieux, des employés s’affairent et chacun vaque à sa tâche dans une routine réglée comme du papier à musique. Jusqu’au moment où une serveuse qui s’est autorisée une pause sur le bord d’une rivière constate que le temps semble s’être arrêté et que les deux mêmes minutes se répètent à l’envi sans explication, avec des conséquences fort diverses. Un phénomène qui arrange les uns en étirant le délai à leur disposition et contrarie certains des autres astreints à répéter les mêmes gestes à l’envi…sinon à l’envie, ne serait-ce qu’en mangeant du riz jusqu’à l’absurde. Né de l’imagination du scénariste Makoto Ueda, le postulat d’En boucle évoque à la fois le cultissime Un jour sans fin et un autre film japonais sorti l’an dernier, Comme un lundi, dans lequel des employés de bureau immatures se retrouvaient en proie à un phénomène similaire dont le scénario ne tirait pas vraiment le parti escompté. L’écueil auquel se heurte ce genre de concept tient à une gestion raisonnée de sa répétitivité. Rien ne nécessite davantage d’ordre que le désordre. En l’occurrence, ici la mise en scène se montre suffisamment inventive pour éviter cet écueil. Elle trouve même une explication à cette faille spatio-temporelle, aussi loufoque puisse-t-elle paraître à des esprits trop cartésiens.



Riko Fujitani



Ramenée inéluctablement au bord du cours d’eau, avec la symbolique temporelle qui lui est attachée depuis la Grèce antique et cette fameuse théorie d’Héraclite selon laquelle “ on ne se baigne pas deux fois dans le même fleuve ”, la jeune servante se garde bien de reproduire des gestes sililaires ou d’emprunter un itinéraire identique, comme pour confronter son libre-arbitre à l’épreuve des circonstances. Du coup, chaque boucle s’avère légèrement différente de celles qui l’ont précédée et est mise à profit par les protagonistes pour tenter d’élucider son origine. Dans ce genre de film, les conséquences sont généralement plus importantes que leurs causes. Ce n’est pas le cas ici. Et l’explication s’avère à la démesure des efforts déployés par le réalisateur Junta Yamaguchi dont le premier film, Beyond the infinite Two Minutes (2020), flirtait déjà avec une thématique voisine. Voilà décidément une comédie qui tient toutes ses promesses grâce à ses multiples audaces et des personnages plutôt attachants tels qu’on en croise parfois dans certains mangas. Tout peut arriver et on aurait bien tort de s’en plaindre, tant le scénario pétille de malice et évite les redites fastidieuses grâce à des renforts de malice et d’ingéniosité. Ce spécimen de comédie japonaise a décidément tous les culots. Y compris de prendre pour cadre un décor qui nous semble d’autant plus familier qu’il a notamment inspiré le cadre du Voyage de Chihiro à Hayao Miyazaki : Kibune, une petite ville à proximité de Kyoto réputée difficile d’accès.

Jean-Philippe Guerand








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