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“Touch - Nos étreintes passées” de Baltasar Kormákur



Snerting Film islandais de Baltasar Kormákur (2024), avec Egill Olafsson, Pálmi Kormákur Baltasarsson, Kōki, Masahiro Motoki, Yoko Narahashi, Ruth Sheen, Masatoshi Nakamura, Meg Kubota, Starkaður Pétursson Sigurdur Ingvarsson, Akshaye Khanna, Eiji Mihara, Maria Ellingsen, Benedikt Erlingsson… 2h01. Sortie le 30 juillet 2025.



Egill Olafsson



Baltasar Kormákur fait partie de ces réalisateurs discrets qui ont su accomplir une improbable synthèse entre films d’auteur et cinéma populaire, quitte à abolir les frontières et à gagner en autorité à travers des œuvres de commande efficaces. Il revient à une certaine forme d’intimisme avec Touch - Nos étreintes passées-. À la veille du confinement provoqué par la pandémie de Covid-19, un Islandais suspendu à un diagnostic médical décide de partir sur les traces de son passé, à Londres où il a été étudiant à la fin des années 60, puis a travaillé dans un restaurant japonais qui est devenu sa nouvelle famille dans l’euphorie du Flower Power. Un pèlerinage secret au moment précis où le monde est en passe de s’arrêter et où les visages se couvrent de masques peu propices à nouer de nouvelles relations. Baltasar Kormákur aime à jouer avec ses protagonistes et à laisser les époques et les espaces résonner entre eux. Il s’en remet pour cela à des interprètes de moindre renom mais d’une justesse toujours remarquable, assume un certain lyrisme dans son approche des grands sentiments et n’utilise les ressorts les plus éprouvés du mélodrame que pour mieux les mettre au service d’une réflexion universelle. En filigrane de ce film qui assume son romantisme sans jamais rien surligner, à l’image de ses protagonistes pudiques tout en retenue, affleure un propos sur ces occasions manquées qui auraient pu contribuer à rendre nos vies quelque peu différentes, sans qu’on puisse savoir si elles eussent été vraiment meilleures.



Pálmi Kormákur Baltasarsson (au centre)



Touch est un film tout en retenue qui confronte deux mondes extrêmes pour n’en retenir que les connivences secrètes. Du poisson, de la neige et des volcans. Avec cette curiosité qui fait que parmi les touristes qui visitent l’Islande viennent y admirer les aurores boréales, avec dans leur inconscient collectif le traumatisme du soleil atomique d’Hiroshima. C’est l’ensemble de ces thématiques qu’aborde ce film mémoriel qui voyage dans l’espace-temps avec une virtuosité jamais ostentatoire pour mieux parler de l’essentiel. Toujours sur la corde raide d’une émotion qui se garde des effets au profit d’une pudeur infinie et sans jamais chercher à tout expliquer. Et si Touch (littéralement “Lien”) émeut à ce point, c’est précisément à petites touches et à des détails infimes. Parvenu à son seizième long métrage en l’espace de trois décennies, Kormákur atteint souvent à l’épure en faisant confiance au spectateur pour se projeter dans cette histoire d’occasions manquées qui esquisse en creux des alternatives au bonheur confinant à l’universel. Voici assurément l’un des plus belles surprises de cet été plus propice au spectaculaire qu’à l’intime. Un pur film d’amour dépourvu de mièvrerie mais pas de grâce qui nous invite à un voyage en douce vers l’harmonie à travers la pureté ultime des sentiments et le choc de deux cultures a priori aux antipodes l’une de l’autre mais pourtant réconciliables.

Jean-Philippe Guerand




Yoko Narahashi et Egill Olafsson

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