I Used to Be Funny Film canadien d’Ally Pankiw (2024), avec Rachel Sennott, Olga Petsa, Jason Jones, Sabrina Jalees, Caleb Hearon, Ennis Esmer, Dani Kind, Dan Beirne, Stephen Alexander, Miguel Ernesto Rivas, Marvin Kaye, Paloma Nuñez, Kathy Imrie, Matia Jackett… 1h46. Sortie le 30 juillet 2025.
Rachel Sennott
Passons sur le jeu de mots très approximatif (le titre initial, qui pourrait être traduit par “Dans le passé, j’étais drôle”, résume mieux les enjeux du film) qui ne rend pas justice à la tonalité générale de cette comédie de mœurs canadienne… et non québécoise, ce qui est nettement plus rare sur nos écrans. Une humoriste quelque peu désabusée par ce qu’elle a vécu dans sa chair réfléchit à son avenir en ressassant inlassablement son passé décomposé afin d’essayer de comprendre ce qui a bien pu déraper et la plonger dans cet abîme de perplexité qui ne lui inspire plus guère que des idées noires, sans pour autant titiller sa créativité. Alors quand la question se pose de savoir si elle doit prendre part aux recherches organisées pour retrouver une adolescente sur laquelle elle a veillé et connaît mieux que quiconque, affluent en elle des sentiments contradictoires et une hantise qui risquent d’avoir raison de son frêle équilibre psychique. Il y a quelque chose chez cette femme névrosée de l’héroïne de la série “La Fabuleuse Madame Maisel” interprétée par Rachel Brosnahan. C’est en effet dans son vécu et surtout son mal-être congénital qu’elle puise son inspiration, dans un réflexe salutaire qui n’est en fait que l’héritage d’une longue tradition, celle des “schlemiel”, ces candides de la tradition juive dont Lenny Bruce et Woody Allen ont renvoyé deux visages différents. Comme s’il fallait souffrir pour faire rire et se violenter pour nous apaiser…
Rachel Sennott
Sam fait plus rire propose un portrait de femme saisissant et parfois poignant qu’assume la comédienne américaine Rachel Sennott déjà remarquée en lycéenne délurée dans Shiva Baby (2020) d’Emma Seligman. Elle-même familière du stand-up où elle s’est illustrée brillamment, elle hisse son personnage à des hauteurs parfois vertigineuses par son seul potentiel, s’appropriant son malaise comme une seconde nature avec une distance calculée qui ne trompe personne. Au point de se montrer plus proche de l’adolescente sur laquelle elle était supposée veiller que de ses supposés amis dont elle partage le moins possible les états d’âme, dans un refus puéril d’assumer son âge et une crainte de culpabiliser à partir d’une agression traumatisante qui la hante en bridant sa fantaisie et sa créativité. Il émane de cette fille mal dans sa peau un sentiment de malaise propice à l’empathie qui facilite l’identification malgré son décalage systématique avec le réel et les postures parfois extravagantes qui en découlent. Comme si elle était restée bloquée à l’adolescence, cet âge ingrat dont elle revendique et assume les moindres inconvénients, comme pour mieux repousser ses responsabilités à une période encore indéterminée. Du coup, elle affiche à son insu les caractéristiques des meilleurs profilers par sa capacité à se mettre dans la peau de la disparue qui incarne en quelque sorte son double à peine plus jeune. Ce refus de grandir confère à cette chronique et à son personnage principal une ivresse du vertige qui ne peut tout à fait laisser indifférent quiconque a vécu difficilement la plongée dans l’âge adulte et ses multiples inconnues. Bref, tout le monde ou presque.
Jean-Philippe Guerand
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