Film français de Peter Dourountzis (2025), avec Sami Bouajila, Mallory Wanecque, Jean-Pierre Darroussin, Valérie Donzelli, Andréa Bescond, Stefan Crépon, Gilles Cohen, Samuel Jouy, Paul Hamy, Matthieu Lucci… 1h44. Sortie le 2 juillet 2025.
Sami Bouajila et Mallory Wanecque
Le cinéma a érigé la figure du journaliste en croisé de la vérité inlassable et incorruptible à travers des classiques comme Bas les masques (1952) de Richard Brooks ou Les hommes du Président (1976) d’Alan J. Pakula. Le polar l’a même érigé en supplétif des détectives et autres enquêteurs assermentés dans des films dont il s’arroge volontiers le premier rôle. C’est le cas dans Rapaces où Peter Dourountzis met en scène les fouille-merde d’une gazette à sensation sur la piste des crimes les plus crapoteux. Un vieux de la vieille à qui on ne la fait pas (Sami Bouajila) associé à une stagiaire déjà dans le moule (Mallory Wanecque) que le côtoiement de l’abomination a mithridatisés contre le pire du pire. Des drôles d’oiseaux de proie qui volent en escadron en se laissant guider par les conversations émanant d’un réseau de CB piraté leur permettant d’intercepter les échanges entre les véhicules de police et de gendarmerie afin de pouvoir débarquer les premiers sur les scènes de crimes sans avoir à justifier leur présence ni leur identité. Les protagonistes de ce film ne sont pas des héros. Tout juste des vautours adeptes de la stratégie du coucou qui consiste à aménager son nid dans celui des aigles royaux de l’ordre. Dès lors, ils sont toujours les premiers informés, ce qui est toujours plus efficace que d’être le meilleur. Rapaces prend en cela le contre-pied de l’exaltation du journalisme de terrain que constituait Vivants d’Alix Delaporte à travers le quotidien d’un pool de reporters.
Jean-Pierre Darroussin
La spécificité de Rapaces est de mettre en scène des reporters de la presse de caniveau dont le seul objectif est d’illustrer les adjectifs accrocheurs qui figureront à la une. Le film revendique sa noirceur par le sordide qui entoure ces faits divers constituant le quotidien des forces de l’ordre dont bien peu sont jugés dignes d’être couverts par la presse nationale. Rapaces nous ramène à quelques décennies de distance, une époque où “Détective“, “France dimanche“ et consorts assumaient les besoins de voyeurisme désormais satisfaits par les réseaux sociaux. Le film adapte habilement son esthétique à son propos, la photo œuvrant sur le registre de l’eau-forte voire du fusain dans une atmosphère provinciale où le temps semble parfois s’être arrêté et où l’on vient à ne presque plus s’étonner de rien et surtout du pire. Ces turpitudes se situent dans une sorte d’univers visuel circonscrit grosso modo entre Zodiac (2007) de David Fincher, Roubaix, une lumière (2019) d’Arnaud Desplechin et Le dossier Maldoror de Fabrice du Welz : un monde à part où le pire règne dans les eaux troubles de la misère. Bien que le film décrive une catégorie journalistique en voie de disparition, il pointe du doigt les méthodes peu orthodoxes de véritables mercenaires de l’information qui travaillent en-dehors de l’éthique et de la déontologie, tout étant bon pour décrocher le scoop que les concurrents n’auront pas. Avec en embuscade cette débutante que l’expérience du terrain va endurcir à un rythme accéléré, malgré son jeune âge. Rapaces sacrifie la complaisance à une vision très noire d’un métier dont le cinéma n’a exalté jusqu’alors pour l’essentiel que la noblesse et l’idéalisme.
Jean-Philippe Guerand
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