Film austro-slovaque d’Alexandra Makarová (2025), avec Rebeka Poláková, Simon Schwarz, Carmen Diego, Noël Czuczor, Hilde Dalik, Ivan Romancik, Zuzana Konecná, Ingrid Timková, Frantisek Beles, Ivan Sándor, Bence Hégli, Asztalos Oliver… 1h50. Sortie le 30 juillet 2025.
Noël Czuczor et Rebeka Poláková
Installée en Autriche où elle a décidé de refaire sa vie dans les années 80 avec sa fille, en tirant un trait sur un passé douloureux, une immigrante tchèque voit réapparaître son premier mari, libéré de prison à la faveur de la chute du Rideau de Fer. Elle décide dès lors de partir à la rencontre de ce passé avec lequel elle croyait en avoir terminé définitivement et va se retrouver déchirée entre ces deux destins si différents. Perla utilise en portrait de femme pour souligner le poids de l’histoire sur certaines destinées individuelles ballotées malgré elles par des événements d’une portée universelle. L’affrontement Est-Ouest inspire en l’occurrence à la réalisatrice un formidable film au féminin singulier qui évoque l’hypothèse d’une existence corrigée par les événements où la puissance du libre-arbitre se charge de corriger certains errements de l’Histoire. Perla ose prendre tous les risques, comme pour s’assurer qu’elle a fait les bons choix et se préserver de futurs regrets éventuels. Le film se positionne en cela comme un antidote contre les situations figées et les personnages plus prompts à subir qu’à agir, quitte à se mettre en danger et à oser remettre en question des choix qu’ils pensaient immuables dans un contexte qui connaît parfois des prolongements inattendus. Alexandra Makarová aborde en fait un thème rarement traité : celui de ces existences que les sursauts de l’histoire se chargent parfois de bouleverser, même s’il s’agit d’une situation globalement plutôt minoritaire et qu’il est souvent plus confortable de faire table rase du passé.
Rebeka Poláková
Au-delà de l’histoire particulière qu’il raconte, qui se déroule à un moment clé de la fin du XXe siècle, Perla aborde une question indissociable en puissance de tous ces sursauts qui jettent sur les routes de l’exil des millions de réfugiés en quête d’une terre plus hospitalière pour y poursuivre leur existence, même si c’est souvent dans un contexte fort différent. Avant les migrations climatiques et les mouvements de population considérables provoqués par les guerres en Irak, en Syrie, en Afghanistan, en Iran et dans tant d’autres contrées dévastées, la chute de l’empire soviétique a elle aussi modifié la donne en profondeur en entraînant des allers-retours sur le long terme entre le Bloc de l’Est et l’Europe occidentale. Avec aussi des destins brisés et des histoires en pointillés qui ont été occultés par le destin des nations et les impératifs de la raison d’État. Les événements actuels et les velléités expansionnistes de la Russie confèrent en outre à ce film une indéniable valeur ajoutée qui souligne en outre le caractère universel de son propos à travers l’incidence des événements géopolitiques sur le destin des individus. Dans ce qui n’est que son deuxième long métrage, malgré une maturité saisissante, Alexandra Makarová esquisse à travers la femme résiliente campée par Rebeka Poláková une force des sentiments qui dévaste tout sur son passage. L’audace de son film est d’oser aller à l’encontre des clichés à travers un personnage féminin cuirassé par sa jeunesse, puis attendri par le confort de la société occidentale, qui retrouve ses automatismes, en donnant un tour inattendu à sa vie. C’est même toute l’audace de ce film à contre-courant qui nous offre un portrait de femme d’autant plus touchant qu’il balaie pas mal d’idées reçues.
Jean-Philippe Guerand
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