Four Mothers Film irlandais de Darren Thornton (2024), avec James McArdle, Fionnula Flanagan, Paddy Glynn, Dearbhla Molloy, Stella McCusker, Gaëtan Garcia, Niamh Cusack, Rory O’Neill, Leonora Lonsdale, Adam Fergus… 1h29. Sortie le 2 juillet 2025.
Un écrivain irlandais gay sur le point d’embarquer pour une tournée de promotion aux États-Unis se voit réquisitionné par sa mère pour veiller sur elle le temps d’un week-end. Mais les choses se corsent lorsque des voisins plus ou moins proches décident de profiter de cette aubaine pour lui confier à leur tour des parents âgés afin d’aller participer à une fête des fiertés prévue en Espagne. Dès lors responsable d’un quatuor de vieilles dames indignes plus ou moins dociles qui ne le ménagent pas vraiment, leur ange gardien va devoir apprendre à composer au fil de ce qui devient une authentique épreuve de vérité. Les cinéphiles reconnaîtront peut-être dans cet argument celui d’une comédie italienne de Gianni Gregorio dont il transpose les grandes lignes dans un contexte assez différent, Le déjeuner du 15 août (2008). Un film sur un registre quelque peu différent que le réalisateur Darren Thornton et son frère Colin ont découvert au moment même où leur propre mère en proie à une maladie dégénérative se voyait privée définitivement de l’usage de la parole. Le titre français Mamie sitting semble vouloir réfuter par sa vulgarité la finesse psychologique originelle de cette comédie douce-amère dans laquelle un vieux garçon quinquagénaire s’engageait à garder pendant deux jours la mère de son syndic pour effacer une dette. Il s’agit pourtant de deux variations différentes autour d’une étude de mœurs sur le grand âge considéré comme un facteur d’ostracisme sinon d’exclusion qui nous invite à réfléchir à un phénomène de société de plus en plus brûlant : notre rapport aux seniors et à l’allongement de l’espérance de vie qui engendre une réflexion profonde et universelle autour du sempiternel fossé des générations et le fameux “vivre ensemble”.
Mamie sitting utilise les codes du Feelgood Movie pour prêter à sourire d’une situation au fond plutôt tragique qui va tourner à la leçon de vie à travers une communion des générations inattendue, cette déclinaison irlandaise s’appuyant sur un personnage masculin plus jeune que dans la version italienne. Son homosexualité constitue par ailleurs une caractéristique essentielle de cette ode à la tolérance parfois empreinte d’une naïveté de façade où la solidarité intergénérationnelle tient lieu de panacée. Dès lors, le point fort du film repose sur son casting qui associe quelques figures octogénaires de la scène britannique comme Fionnula Flanagan, Paddy Glynn, Dearbhla Molloy et Stella McCusker à James McArdle, la révélation de la série “Sexy Beast”. Si humour il y a, il revendique ici une subtilité de bon aloi, le film se gardant bien de juger ses personnages qui se rejoignent sur ce qu’ils ont en commun, à savoir un certain mal de vivre dû à des raisons différentes et une marginalité entretenue par une société irlandaise arc-boutée sur ses traditions, à commencer par la religion toute puissante qui ne contribue pas vraiment à apaiser les esprits ni à arrondir les angles, face à certaines problématiques clivantes. Reste que les protagonistes du film savent faire la part des choses et s’en remettre à leur libre-arbitre. Sous la comédie de mœurs affleure tout de même un portrait de groupe plutôt savoureux où les minorités comprennent que l’union contribuera à leur force et leur permettra de se faire entendre parmi leur communauté souvent rétrograde qui sacralise volontiers ses seniors, mais refuse de normaliser l’homosexualité dans une résurgence d’intolérance venue du fond des âges. Mieux vaut sans doute encore en rire pour ne pas avoir à en pleurer.
Jean-Philippe Guerand
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