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“Les Quatre Fantastiques : Premiers pas” de Matt Shakman



The Fantastic Four : First Steps Film américain de Matt Shakman (2025), avec Pedro Pascal, Vanessa Kirby, Joseph Quinn, Ebon Moss-Bachrach, Ralph Ineson, Julia Garner, Paul Walter Hauser, Natasha Lyonne, Sarah Niles, Mark Gatiss… 1h55. Sortie le 23 juillet 2025.



Joseph Quinn et Pedro Pascal



Nouvel avatar du fameux Univers cinématographique Marvel porté sur les fonds baptismaux en 2008 et devenu depuis une hydre tentaculaire sur grand comme sur petit écran, Les Quatre Fantastiques : Premiers pas inaugure la phase 6 elle-même constitutive de la “Saga du Multivers”. Ce film revient par ailleurs sur la fonction protectrice de ces sauveurs au charme rétro. L’affaire se déroule dans les années 60 à New York sous la menace de Galactus, un dévoreur de mondes gigantesque qui pousse la délicatesse jusqu’à… ne pas tenter de se mesurer à la statue de la liberté. Côté carnet mondain, le couple de super-héros formé par monsieur et madame Fantastique attend un heureux événement, sous le regard bienveillant de ses deux complices, la Torche humaine et la Chose. Avec cette question subsidiaire : le nouveau-né deviendra-t-il le cinquième mousquetaire des Quatre Fantastiques ? Le film joue simultanément sur deux tableaux : les pouvoirs traditionnels des super-héros qui ont ici pignon sur rue et sont préposés à la défense de Big Apple et un environnement rétro qui évoque l’âge d’or de l’American Way of Life tel que l’incarna naguère le couple formé par Doris Day et Rock Hudson. Vanessa Kirby et Pedro Pascal prennent leur relais avec autant de charme que d’élégance, le film insistant sur cet esprit de famille qui en vient presque à rendre leurs exploits accessoires. Un paradoxe plutôt cocasse pour un film estampillé Marvel. Comme si ses instigateurs avaient enfin compris l’importance fondamentale du facteur humain aux yeux du public lassé de cette surenchère perpétuelle devenue inepte, parce qu'incolore, inodore, aseptisée et surtout… déshumanisée.


Vanessa Kirby (à gauche)



Cette cinquième adaptation des Quatre Fantastiques (celle de 1994 est bizarrement demeurée inédite) est probablement la plus réussie par le savant équilibre qu’elle parvient à instaurer entre la caractérisation de ses personnages et leurs exploits qui répondent à leurs fonctions primitives de sauveurs assermentés. Ils possèdent même un gratte-ciel à leur effigie. Une primauté accordée à l’humanité des protagonistes qui empêche le film de n’être qu’une belle mécanique de plus, ce qui, en l’occurrence, constitue une sage initiative pour les spectateurs gavés d’effets spéciaux où les acteurs en arrivent à ne plus être reconnaissables en raison du traitement de choc numérique qu’on a cru bon de leur infliger afin de les faire ressembler aux super-héros qu’ils personnifient. Rien de tout cela ici. Ces Premiers pas (ceux du poupon, en fait) accordent une large place à l’humour et misent sur le glamour de l’époque, des scaphandres rétrofuturistes (la Nasa en était encore au programme Mercury que JFK avait chargé d’emmener l’homme sur la Lune) aux décors et aux accessoires, même si le berceau du bébé arbore un design très moderne, qu’un robot vaque aux tâches ménagères et que le test de grossesse affiche une étonnante modernité. Il convient ici de louer le soin apporté à cette reconstitution qui relève moins de la reproduction que d’une libre interprétation à partir d’éléments visuels et artistiques authentiques du plus bel effet. Le film réussit ainsi à s’affranchir de ces clins d’œil et références incessants qui gâchent bon nombre d’opus de la saga (on en est tout de même déjà au trente-septième !) en les empêchant d’exister de façon autonome, à l’exception notable de Black Panther. On peut juste s’inquiéter de l’avenir, esquissé au générique de fin, qui devrait consister en deux nouveaux épisodes d’Avengers, la véritable vache à lait de la franchise au box-office. Mais attendons avant de juger et savourons déjà ce plaisir simple comme il le mérite. Ce Marvel est une petite merveille.

Jean-Philippe Guerand





Ebon Moss-Bachrach, Pedro Pascal
Vanessa Kirby et Joseph Quinn

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