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“Les filles désir” de Prïncia Car



Film français de Prïncia Car (2025), avec Housam Mohamed, Leïa Haïchour, Lou Anna Hamon, Kader Benchoudar, Mortadha Hasni, Achraf Jamai, Nawed Selassie Said… 1h33. Sortie le 16 juillet 2025.



Housam Mohamed



L’été à Marseille, les moniteurs d’un centre aéré voient débarquer une amie d’enfance précédée d’une réputation sulfureuse de “fille facile” qui attise leurs fantasmes primaires. Mais c’est là sous-estimer l’évolution des mœurs et la solidarité de celles qui ont subi trop longtemps la domination masculine pour continuer à se soumettre. Le premier film de Prïncia Car est le fruit d’un travail collectif que mène depuis des années cette animatrice avec ses élèves qu’elle suit depuis l’enfance et a initiés aux secrets du théâtre vivant dans le cadre de la troupe de ses parents. C’est à l’arrivée une merveille de fraîcheur et de spontanéité qui s’inscrit dans la lignée du travail de Guillaume Brac et d’une certaine tendance réaliste du cinéma anglais, à mi-chemin entre documentaire et fiction, sans que la lisière s’avère toujours aisée à délimiter. Sur un argument d’une extrême minceur qu’on pourrait résumer à une entreprise de séduction en bonne et due forme, le scénario esquisse une série de portraits extrêmement justes qui dressent l’état des lieux d’une jeunesse où le fossé s’agrandit entre des garçons campés sur des postures machistes sinon masculinistes dépassées et des filles résolues à échapper à cette emprise, quitte à se serrer les coudes dans un réflexe de sororité salvateur, en opposant à l’agressivité des mâles atteints dans leur virilité une douceur et une malice tout aussi efficaces. Prïncia Car a compris le parti qu’elle pouvait tire de ses “jeunes”, ainsi qu’elle aime à les appeler, pour les avoir vu grandir comme une grande sœur. Or, c’est cette complicité de longue date qui lui permet d’établir un lien littéralement organique entre ses personnages et leurs interprètes.



Housam Mohamed et Leïa Haïchour



Il émane une saisissante authenticité de cette chronique d’un été où s’expriment des sentiments vieux comme le monde qui auraient pu engendrer une tragédie antique. À cette nuance près que le scénario des Filles désir signé par Léna Mardi agglomère de plein fouet l’évolution des mœurs à des sentiments universels et des comportements immémoriaux, sans jouer la carte du militantisme. Avec cette obsession de l’attitude la plus juste à adopter, car les filles faciles sont finalement moins respectées que les saintes nitouches. Tout est question d’équilibre dans des relations humaines compliquées que les uns et les autres envisagent différemment. Des paramètres que le film intègre habilement pour esquisser les contours d’un nouveau désordre amoureux qui ressemble parfois à un jeu de dupes. Au point qu’au fil de sa phase d’écriture échelonnée sur quatre ans, les protagonistes ont évolué en fonction des états d’âme de leurs interprètes, ce qui leur confère à l’arrivée une justesse psychologique hors du commun. Avec à l’appui une morale plutôt ironique où les machos des calanques en prennent pour leur grade et où le virilisme est battu en brèche sous l’effet d’une solidarité féminine utilisée à bon escient qui semble indiquer que le temps de la femme objet est révolu et remplacé par l’avènement des fameuses filles désir évoquées dans le titre. Et l’avenir leur appartient…

Jean-Philippe Guerand






Leïa Haïchour et Lou Anna Hamon

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