Sex Film norvégien de Dag Johan Haugerud (2024), avec Jan Gunnar Røise, Thorbjørn Harr, Siri Forberg, Birgitte Larsen, Nasrin Khusrawi, Anne Marie Ottersen, Vetle Bergan, Brynjar Åbel Bandlien… 1h58. Sortie le 16 juillet 2025.
Thorbjørn Harr et Jan Gunnar Røise
Deux ramoneurs dissertent de leur vie sentimentale sur leur lieu de travail : les toits d’une capitale moderne et paisible d’où ils dominent symboliquement les lumières de la ville. Tel est le postulat de départ du premier volet de la fameuse Trilogie d’Oslo qu’on aura paradoxalement découverte dans l’ordre inverse de sa production. Deux collègues qui sont par ailleurs amis et n’ont visiblement que peu de secrets l’un pour l’autre. Alors quand l’un avoue à l’autre avoir cédé aux assauts d’un client entreprenant sans s’expliquer pourquoi, l’autre se met à douter de sa propre sexualité. Sous la comédie se cache une réflexion passionnante sur le poids de l’inconscient et des préjugés. Non seulement Dag Johan Haugerud choisit pour protagonistes des hommes qui exercent un métier affublé de caractéristiques hautement symboliques, mais il s’attache à deux de ses représentants qui échappent aux stéréotypes inhérents à cette profession. Des petits bourgeois à la vie sentimentale réglée qui en viennent à douter de leur véritable nature. Parce que si le premier a cédé à un moment d’égarement qui en vient à bouleverser ses certitudes sur sa nature profonde (serait-il un homosexuel refoulé ?), quand il se confie à son patron et ami, celui-ci lui fait part à son tour des rêves troublants qui agitent ses nuits et où il se retrouve dans la peau d’une femme en proie aux assauts amoureux de… David Bowie.
Birgitte Larsen et Thorbjørn Harr
Désir adopte le ton de la comédie pour proposer une réflexion sur le poids des fantasmes chez deux hommes a priori tranquilles qu’il montre devisant avec naturel à propos de leurs désirs refoulés dans une sorte de jeu de la vérité aussi spontané que candide. Tout l’intérêt de ces échanges réside dans la personnalité des deux protagonistes issus de la classe moyenne qui se trouvent confrontés à des questions d’identité dont ils ne semblaient même pas imaginer l’existence. Ils mènent l’un comme l’autre des vies qu’on pourrait qualifier de “rangées” parce qu’ils semblent en quelque sorte s’être pliés au conformisme ambiant, sans se poser davantage de questions sur leurs rapports au désir. Le film propose en cela une réflexion passionnante sur un rapport à la sexualité qui doit davantage aux conventions sociales qu’à un désir au fond refoulé. Il débute sous l’apparence d’une comédie avec ces personnages de ramoneurs dont la fonction consiste symboliquement à déboucher des cheminées qui mènent au cœur de l’intimité des foyers, puis se poursuit par une conversation à bâtons rompus où transparaît une certaine candeur à travers le récit qu’ils établissent de leurs rêves, sans mesurer le poids réel de l’inconscient ni le risque qui consiste à l’exposer tel quel. Comme Rêves, Désir passe des sentiments universels au crible de la psychanalyse, en nous interrogeant sur la tempête qui gronde en nous et nous alerte parfois sur des hypothèses alternatives rendues inaccessibles aux moins favorisés, simplement parce que leur éducation ne les a pas incités à se poser de questions sur leur nature profonde. Le matérialisme dominant prime encore sur ces considérations, comme l’atteste la faible prise en compte de l’évolution des mœurs parmi les classes les plus défavorisées. Comme s’il s’agissait d’un luxe inaccessible…
Jean-Philippe Guerand
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