Kjærlighet Film norvégien de Dag Johan Augerud (2024), avec Andrea Bræin Hovig, Tayo Cittadella Jacobsen, Marte Engebrigtsen, Lars Jacob Holm, Thomas Gullestad, Marian Saastad Ottesen, Paal Herman Ims, Morten Svartveit, Henriette Steenstrup, Bao Andre Nguyen, Khalid Mohamood, Anna Berg… 1h59. Sortie le 9 juillet 2025.
Andrea Bræin Hovig, Tayo Cittadella Jacobsen
et Marte Engebrigtsen
On n’a pas toutes les semaines, ni même tous les mois, l’occasion de découvrir un film qui révèle un nouvel auteur. Le cas de Dag Johan Augerud est d’autant plus atypique qu’il ne s’agit pas d’un débutant, mais d’un cinéaste expérimenté dont plusieurs opus ont été sélectionnés dans les festivals internationaux sans qu’aucun parvienne toutefois jusqu’ici à se frayer un chemin jusqu’aux écrans français. Il aura fallu l’Ours d’or décerné à la Berlinale à Rêves pour qu’un distributeur se décide à acquérir cette Trilogie d’Oslo qu’il venait conclure en beauté, même si ces composantes n’entretiennent en fait que peu de points communs sinon thématiques et géographiques. Un cycle dont le centre de gravité est la capitale norvégienne, creuset d’un faisceau de relations humaines qui engendre des variations très différentes sur un registre sentimental où la psychologie tient un rôle prépondérant. Étonnante impression de se familiariser rapidement avec cette modeste capitale que le réalisateur quadrille pour en cerner les habitants que la légende s’acharne à décrire dans un cocon idéaliste où la mortalité due aux accidents de la route a été réduite à zéro depuis 2019. Un monde prospère presque parfait où, lorsque s’est produit le massacre par le terroriste néonazi Anders Breivik de soixante-neuf personnes sur l’île d’Utøya, en juillet 2011, la sidération et l’incompréhension ont été telles que l’intervention des forces de l’ordre s’en est trouvée ralentie d’autant et a sans doute contribué à aggraver cette situation inédite et surtout inimaginable dans ce pays réputé paisible jusqu’à l’inconscience.
Andrea Bræin Hovig et Lars Jacob Holm
Deuxième pan de La trilogie d’Oslo, Amour est un film entre deux rives dans lequel une oncologue célibataire et un infirmier dépourvu d’attaches se retrouvent quotidiennement à bord du même ferry qui relie la ville à une île située à quelques encâblures, de l’autre côté de la baie, qui ressemble à un havre de paix verdoyant. Lui utilise une application de rencontres pour draguer d’autres passagers esseulés le temps de la traversée et passer un moment en leur compagnie, tandis qu’elle rejoint un père de famille divorcé qui lui promet un avenir idyllique parmi sa tribu recomposée au sein de laquelle tout le monde semble bien s’entendre, ce qui lui fait miroiter paradoxalement des perspectives sentimentales trop prévisibles. À partir de ces deux destins croisés, le film tisse sa toile dans laquelle il emprisonne peu à peu de multiples personnages pour dresser une sorte de tableau de mœurs moderne qui reflète assez justement ce phénomène de la solitude inhérente aux grandes villes. Dag Johan Augerud apprécie les personnages qui réfléchissent, qui échangent et qui s’interrogent à voix haute. Il jette un regard sur le monde qui n’est ni amer ni idyllique. Dans ce chapitre particulier, il égrène de multiples éventualités d’avenir d’où il ressort un portrait saisissant du citadin moderne qui négocie âprement son indépendance et semble hésiter en permanence à s’engager sur le plan sentimental. Le film débute symboliquement par la visite guidée d’un bâtiment municipal dont les frontispices et les ornements reflètent un passé révolu qu’une féministe bon teint passe au crible de ses réflexes et de la culture woke, dans l’espoir de faire réagir les visiteurs venus admirer des curiosités architecturales.
Jean-Philippe Guerand
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