Film américain d’Alessandra Lacorazza (2024), avec René “Residente” Pérez Joglar, Sasha Calle, Lio Mehiel, Leslie Grace, Emma Ramos, Dreya Renae Castillo, Luciana Elisa Quinonez, Alison Salinas, Kimaya Thais, Sharlene Cruz, Gabriela Surodjawan, Indigo Montez… 1h38. Sortie le 9 juillet 2025.
Lio Mehiel et Sasha Calle
Été après été, un père divorcé passe des vacances avec ses deux filles dans une sorte de bulle d’insouciance qui n’appartient qu’à leur trio. Les années passent, les situations se répètent, puis évoluent sans que quiconque semble vraiment y prendre garde. Rarement un film a appréhendé avec une telle authenticité les relations compliquées d’un homme confronté à la chair de sa chair, mais surtout à deux représentantes de l’autre sexe avec lesquelles il ne peut véritablement nouer qu’une relation en pointillés, même s’il tient à elles comme à la prunelle de ses yeux et ne sait pas toujours trouver la juste distance entre autorité et tendresse. Parce que sa mauvaise conscience l’incite davantage à gâter qu’à punir. Avec cette double peine qui fait qu’en grandissant ses deux filles ressemblent de plus en plus à leur mère dont il essaie désespérément d’effacer le souvenir depuis leur rupture qu’on devine douloureuse. Au sein d’un cinéma indépendant américain écartelé entre la tentation de la logorrhée et l’emprise opportuniste des Majors, In the Summers apparaît comme une sorte de petit miracle par son propos et son séquençage temporel. Le film joue en effet sur le contraste qu’il réussit à instaurer entre la répétition des mêmes situations et cette période estivale où le père retrouve chaque année ses deux filles qu’il ne voit que peu entre-temps. Un rendez-vous qui propose en outre une réflexion passionnante sur un phénomène rarement décrit au cinéma : le fait de grandir. Avec ce fossé des générations qui se creuse et qui devient de plus en plus difficile à combler. Jusqu’au moment où l’aînée entre dans l’âge adulte et où la cadette découvre les affres de l’adolescence…
Doublement primé aux festivals de Sundance et de Deauville, les deux rendez-vous principaux du cinéma indépendant américain, In the Summers réussit à capter ces petits riens qui façonnent nos vies et s’enfuient si l’on n’y prête pas suffisamment attention. Alessandra Lacorazza adopte le regard d’une fille de parents divorcés sur les moments fugaces qu’elle a passés avec sa petite sœur et son père. Des bribes de vie arrachés au temps qui ne prennent un sens qu’en les accolant les unes aux autres. Elle réussit un pari audacieux en montrant un rendez-vous annuel qui se répète au fil de quatre étés mais évolue indiciblement. Tandis que le père (qu’incarne à contre-emploi le rappeur, écrivain, cinéaste, acteur et militant portoricain Residente) s’assagit, ses filles montent en graine. Le défi du scénario consistait à donner une cohérence à cette accumulation de moments fugitifs sans rien montrer du reste de la vie de ces gamines en compagnie de leur mère qui remplit l’essentiel de leurs existences de moins en moins insouciantes. Avec en filigrane le combat de leur père contre ses démons et les efforts démesurés qu’il déploie pour réparer ses erreurs et effacer ses fautes. Ces trois vies minuscules rythmées par ce rendez-vous estival réussissent la gageure de s’adapter au temps qui passe à travers la somme de ces moments d’insouciance partagée qui contribueront plus tard à laisser des souvenirs inoubliables à ceux qui les ont vécus sans toujours prendre la mesure exacte de l’empreinte qu’ils laisseront. Comme une recherche du temps perdu façon puzzle où certains détails se révèleront essentiels, là où d’autres moments considérés sur l’instant comme mémorables finiront par s’effacer. L’expérience est envoûtante, ses interprètes bouleversants d’authenticité et les silences souvent plus éloquents que de longs discours.
Jean-Philippe Guerand
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