Film américain de Sean Wang (2023), avec Izaac Wang, Joan Chen, Shirley Chen, Zhang Li Hua, Joziah Lagonoy, Stephanie Hsu, Mahaela Park, Raul Dial, Aaron Chang, Chiron Cillia Denk, Sunil Mukherjee Maurillo, Montay Boseman, Alysha Syed, Alaysia Simmons… 1h33. Sortie le 16 juillet 2025.
Izaac Wang
Le cinéma américain n’est pas particulièrement réputé pour sa réactivité, sinon quand Hollywood s’empare d’un sujet brûlant. Il a ainsi considérablement tardé à intégrer ses multiples composantes ethniques, linguistiques et même de genre, tant devant que derrière la caméra, alors même que les départements cinéma des universités américaines affichent depuis des lustres des effectifs majoritairement féminins et… asiatiques que l’industrie a trop tardé à prendre en compte pour leur accorder la place qui leur revient. Il aura fallu le triomphe historique d’Everything Everywhere All at Once ? et ses sept Oscars pour que le métier prenne enfin au sérieux cette composante asiatique reléguée jusqu’alors à des fonctions pittoresques sinon décoratives. Dìdi prend pour cadre une famille américaine d’origine chinoise parfaitement intégrée, à travers le destin d’un petit garçon sans réels problèmes identitaires. Le film se rapproche par son sujet de ces chroniques plus ou moins autobiographiques à travers lesquelles tant de réalisateurs passent à l’acte depuis Les quatre cents coups de François Truffaut. Comme si cette intimité constituait une protection en soi. Dans la lignée des pionniers sino-américains Wayne Wang (Dim Sum : A Little Bit of Heart, 1985) et Ang Lee (Garçon d’honneur, 1993) ou des coréano-américains Lee Isaac Chung (Minari, 2020), Justin Chon (Blue Bayou, 2021) et Celine Song (Past lives - Nos vies d'avant, 2023) dont les racines nourrissent l’imagination pour parer leur cinéma d’une dimension universelle. Avec une double identité qui ne contribue qu’à accroître la sensibilité de leur propos sous l’égide du fameux “vivre ensemble” si souvent galvaudé, mais envisagé ici dans son acception la plus large.
Dans la Californie de l’été 2008, Chris surnommé “Dìdi” vit entre deux mondes : son cercle familial où se perpétuent quelques traditions chinoises sous la houlette de la figure tutélaire que campe la trop rare Joan Chen et le monde extérieur dans lequel il est parfaitement intégré et vit comme n’importe quel enfant américain de 13 ans. Lui-même d’origine taïwanaise, Sean Wang dessine la chronique d’une préadolescence insouciante dans le cadre d’une intégration idyllique. Les problèmes de son personnage principal sont ceux de tous les gamins de son âge, entre sa passion pour le skate et ses premiers émois amoureux. C’est à l’aide d’une multitude de détails que le réalisateur brosse ce portrait impressionniste baigné d’une sérénité qui fait chaud au cœur. On prétend parfois que les gens heureux n’ont pas d’histoire. Ce film démontre pourtant le contraire à travers l’épaisseur humaine de ses personnages confrontés à un monde dont le cinéaste préfère retenir les instants de bonheur et d’harmonie que les valeurs négatives qui ont souvent tendance à nourrir ce genre de films. Sans cesse ballotté entre deux mondes qui lui ont appris une forme douce de schizophrénie, Dìdi évolue comme un poisson dans l’eau au sein d’une société où la couleur de peau et les origines ethniques ne sont des problèmes qu’aux yeux des racistes et des xénophobes. Des valeurs étrangères aux enfants qui réagissent encore à l’instinct et cherchent par définition à se fondre parmi les autres pour s’intégrer au sein d’une communauté qui les y invite. Prix du public au festival de Sundance, ce film est une bulle d’insouciance dont le propos universel est servi par sa bienveillance, sa tendresse et son humour.
Jean-Philippe Guerand
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