Film français de Nathalie Najem (2025), avec Zita Hanrot, Bastien Bouillon, Alexia Chardard, Marianne Basler, Maya Hirsbein, Aurélien Gabrielli, Salim Talbi, Anaël Guez, Cyril di Vitta, Lilia Bollier Ivanova, Gianfranco Poddighe… 1h40. Sortie le 23 juillet 2025.
Bastien Bouillon
On a trop longtemps glissé sous le tapis le thème des violences conjugales pour ne pas se réjouir de voir le cinéma s’en emparer aujourd’hui pour sensibiliser le public à une cause essentielle. Avec son premier long métrage, Nathalie Najem a décidé d’utiliser le registre du thriller psychologique pour dépeindre un homme toxique qui étouffe sa jeune compagne sous son emprise au cours d’un voyage en Italie, tandis que son ex et sa fille appréhendent son retour, à travers le drame qui se joue à distance et qu’elles s’avèrent impuissantes à empêcher malgré leurs efforts. Dans un contre-emploi radical par rapport à ses rôles de séducteurs dans Partir un jour et Connemara, le personnage campé par Bastien Bouillon apparaît donc comme l’incarnation démoniaque d’un profil masculin particulièrement pervers que ses multiples addictions font basculer vers une violence décrite comme une seconde nature dont les origines importent au fond assez peu et ne sont en tout cas jamais invoquées ici comme des circonstances atténuantes. Jamais complaisante, la mise en scène instaure subtilement ce climat anxiogène en jouant simultanément sur la situation de ces deux femmes en miroir qui n’ont en commun que d’avoir succombé au charme trompeur du même mâle (mal ?), l’expérience de l’une ne pouvant être que d’un faible secours pour l’autre, tant qu’elles ne sont pas en mesure de communiquer. L’habileté du scénario consiste à souligner peu à peu la permanence d’un homme sous influence au double visage qui séduit pendant ses trop brefs moments de normalité et se transforme en monstre sous l’emprise de la drogue, révélant ainsi sa véritable nature que ne connaît au fond que le cercle de ses intimes.
Comme le souligne son titre, Aux jours qui viennent ambitionne d’être un appel au secours autant qu’une mise en garde. Avec cette question fondamentale en filigrane : dans quelle mesure une femme victime d’un homme violent peut-elle aider ses futures compagnes à se délivrer de son emprise voire à l’éviter ? C’est ici l’existence d’un enfant qui justifie le maintien de relations a minima du père avec son ex-compagne. Nathalie Najem démêle habilement les fils de cette relation, sans jamais tenter de jouer sur un suspense fabriqué de toutes pièces. Elle se contente de mettre en évidence ce qu’on pourrait appeler des signaux faibles et que la mère repère à distance pour en avoir été elle-même victime dans le passé et avoir réussi à y échapper. La tension qui s’instaure et va en grandissant est d’autant plus éprouvante qu’elle s’attache à décrypter le mécanisme des violences conjugales comme un processus aussi implacable que sournois. C’est ce propos qui confère l’essentiel de son intérêt à cette chronique de la toxicité ordinaire qui s’attache au mécanisme qui transforme un homme à peu près ordinaire en un prédateur monstrueux. Le fait de briser le silence pour l’empêcher de nuire en renouant avec les pires démons qui l’habitent met en danger deux femmes au lieu d’une, mais leur permettent en contrepartie de l’empêcher de nuire. Rarement les violences conjugales ont été passées au crible d’un film aussi efficace ? Certes, on est en droit d’estimer que sa mécanique du suspense n’est pas toujours des plus subtiles, mais seule compte véritablement la juste cause au service de laquelle elle est mise en œuvre. Reste que ce drame psychologique angoissant a le mérite de démonter sans la moindre complaisance la mécanique de cet engrenage diabolique qui avilit presque tous les jours des femmes en proies sous les coups de leurs conjoints.
Jean-Philippe Guerand
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